Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Chez Palmyre » épicerie familiale depuis… 70 ans !

Sur la route de La Cadière, quartier des Samats, le minuscule commerce, créé en 1948, survit au prix de beaucoup d’efforts et d’une conviviali­té qui fait le bonheur des clients comme des gérants

- J. P. jpoillot@nicematin.fr

Les clients ne s’y bousculent pas et ça tombe bien : il n’y aurait de toute façon pas la place. Pour autant, il ne se passe jamais bien longtemps avant que quelqu’un ne franchisse la porte de “Chez Palmyre”, la toute petite épicerie de la route de La Cadière, à Saint-Cyr. Loin, très loin des temples modernes de la surconsomm­ation, ici on fait dans le vital. Ici, c’est l’antre du dépannage : « On n’a pas trente-six marques différente­s. Mais il y a tout», sourit Eric Puglia, le gérant, au milieu de ces quelques mètres carrés bien achalandés et savamment rangés, nécessaire­ment. Il est le petit-fils de la première maîtresse des lieux, auxquels il a donné le nom. En hommage. « Ma grandmère italienne, Palmyre, a ouvert ce commerce en 1948, et il est toujours resté dans la famille. Ensuite elle a travaillé avec mon père, qui faisait notamment les tournées en camion, dans la campagne. »

« Beaucoup ne me donnaient pas six mois »

Avec ses soeurs et son frère, Eric a grandi là et a toujours connu la boutique, en bois d’abord, dans laquelle sa grand-mère vendait encore les pâtes rangées par sortes dans des tiroirs. Adulte, Eric est resté vivre avec son père et sa grand-mère. « J’avais un métier – menuisier - mais je les aidais régulièrem­ent. » Palmyre a travaillé presque jusqu’à sa mort, en 1999, à 89 ans. Puis… « L’épicerie est restée fermée jusqu’en 2004, quand j’ai décidé de reprendre l’affaire. » Une affaire qui, depuis, tourne bon an mal an, défiant le temps, déjouant les pronostics... « Beaucoup ne me donnaient pas six mois quand j’ai rouvert. Mais malgré tout, on tient, on tient... » Il a un peu modernisé l’endroit – réglementa­tion oblige – mais l’ambiance est restée la même : conviviale, confinée, chaleureus­e. Avec cette même cuisine attenante à l’épicerie, séparée par une porte qui s’ouvre toute seule à la faveur du courant d’air qui s’engouffre quand arrive un client. Une petite pièce à vivre avec une table et des chaises, un frigo et une cafetière qu’on devine pas mal sollicitée : « On est ouvert sept jours sur sept, de7hà21h!» Et puis il y a là quelques “habitués” du quartier des Samats : des chats plus malins que les autres, qui ont compris qu’ici la porte serait toujours ouverte pour venir piquer un roupillon et grignoter un morceau...

«Rien ne vaut ton indépendan­ce »

La recette de cette longévité ? « On prend le temps avec les clients, on discute, on s’arrange, on est à

l’écoute, confie Eric. Et je fais les livraisons, surtout pour les clients âgés qui ne peuvent plus trop se déplacer. Ce qui plaît beaucoup aussi, c’est notre charcuteri­e à la découpe et le fromage : on travaille d’ailleurs depuis très longtemps avec le même

fromager, du Beausset. Mais il a aujourd’hui soixante-dix ans et il arrête à la fin de l’année. » Cinquante-huit ans, ce n’est pas encore l’âge de la retraite pour lui. Et pour rester au sommet de la disponibil­ité, Eric Puglia peut compter sur Séverine et Vanessa, les filles de sa compagne, Martine. Elles aussi ont la fibre du dévouement, indissocia­ble à la survie de ces échoppes en voie de disparitio­n. Tous les quatre sont bien décidés à conserver un commerce à taille humaine. « Une enseigne de supérettes est venue me proposer une franchise un jour, mais j’ai refusé. J’entends encore ma grand-mère dire : “Rien ne vaut ton indépendan­ce” ».

De nouvelles constructi­ons attendues

Continuer même si, autour, tout change très vite. Comme le grand programme immobilier de La Miolane qui se construit juste en face, mais qui, ils l’espèrent tous, pourrait attirer du monde… Mais aussi comme ce supermarch­é qui a ouvert pas très loin d’ici… Ou comme la route, juste devant l’épicerie, actuelleme­nt en travaux, et qui donne au petit-fils de Palmyre depuis quelques mois comme « l’impression que son commerce est un peu délaissé. » D’autant que les places situées juste en face ont “sauté”. «Même s’il va désormais y avoir un trottoir, ça ne va inciter les clients à s’arrêter chez nous. On a eu beau se plaindre, on nous les a quand même enlevées. Alors quand j’entends dire qu’il faut aider les petits commerces... On veut nous rassurer en nous expliquant qu’il y aura du stationnem­ent un peu plus loin, mais ne va-t-il pas être pris d’assaut par les nouveaux habitants ? » Eric, Martine, Vanessa et Séverine n’ont pas toutes ces réponses. « On courbe un peu l’échine, on patiente. Au pire, on s’adaptera», dit-il, avec philosophi­e. Et demain matin, comme tous les jours, il se lèvera à 4 h 30. Pourvu que ça dure.

On prend le temps avec les clients, on discute, on s’arrange... ”

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 ??  ?? Longtemps, Robert Puglia, le père de l’actuel gérant, a travaillé avec sa mère, Palmyre. Elle à la boutique, lui dans son camion pour aller livrer dans la campagne.
Longtemps, Robert Puglia, le père de l’actuel gérant, a travaillé avec sa mère, Palmyre. Elle à la boutique, lui dans son camion pour aller livrer dans la campagne.
 ??  ?? Robert Puglia entouré de deux de ses enfants, dont Eric (à gauche) qui a repris le flambeau.
Robert Puglia entouré de deux de ses enfants, dont Eric (à gauche) qui a repris le flambeau.
 ?? (Photos Dominique Leriche) ?? Eric Puglia (à gauche) est le petit-fils de Palmyre. Avec à ses côtés sa femme Martine et ses deux filles, Vanessa (cidessus) et Séverine, il perpétue une tradition qui remonte à 1948.
(Photos Dominique Leriche) Eric Puglia (à gauche) est le petit-fils de Palmyre. Avec à ses côtés sa femme Martine et ses deux filles, Vanessa (cidessus) et Séverine, il perpétue une tradition qui remonte à 1948.
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Dans les cartons de la famille Puglia, une coupure de presse a été exhumée. Var-matin/République avait organisé un jeu, en partenaria­t avec des commerçant­s dépositair­es du journal. Ici, chez Palmyre, le jour de la remise des prix, les heureux...

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