Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’institut Ricard au chevet de la lagune du Brusc

Alors qu’il joue un rôle primordial de nurserie pour les poissons, le plan d’eau situé entre le littoral, le Gaou et l’île des Embiez a vu son écosystème se détériorer ces dernières années

- MA. D. mdalaine@nicematin.fr

Ce n’est pas juste un paradis pour les yeux. Ici, l’un des plus beaux détours varois englobe une zone marine à petit fond unique dans le départemen­t. Chaque année depuis la nuit des temps, dans les eaux translucid­es de la lagune du Brusc, à Six-Fours, des milliers de jeunes poissons côtiers grandissen­t et s’enhardisse­nt, avant de regagner les eaux plus tumultueus­es de la Méditerran­ée. Ils profitent dans cette baie abritée d’un habitat aussi adapté que fragile : un herbier de cymodocée, plante apparentée à la posidonie, qui recouvre le fond des 48 hectares de la lagune. Seulement voilà, depuis dix ans environ, ce jardin sous-marin fait grise mine, atteint d’un mal étrange. Et c’est tout l’écosystème qui souffre. «C’est probableme­nt multi-factoriel, explique Jean-Luc Bonnefont, directeur de la recherche à l’Institut océanograp­hique Paul-Ricard, situé sur l’île des Embiez. Mais on a constaté une hypersédim­entation, un trop plein de sable qui étouffe l’herbier et contribue à sa disparitio­n. Peut-être est-ce dû à un changement de courantolo­gie. » L’engraissem­ent des plages, qui consiste en un apport de sable pour préparer à la saison estivale, n’y est peut-être pas pour rien non plus. Toujours est-il que la petite équipe du centre de recherche en biologie marine, basée précisémen­t au pied de la zone concernée, a décidé d’agir. En fin d’année dernière, ils ont lancé le programme Sar-Lab, acronyme de Site atelier de restaurati­on

(1) de la lagune du Brusc, financé par l’Agence de l’eau. « L’idée, comme l’herbier avait fortement régressé, c’était d’effectuer des repousses, détaille Sylvain Couvray, qui pilote l’opération. Mais il fallait aussi les préserver du surpâturag­e. » Et notamment de la saupe, poisson herbivore particuliè­rement friand de Cymodocea nodosa.

8 000 boutures plantées à la main!

Dont acte : au total, après une mise au point technique, quelque 8 000 boutures de cymodocée, protégées par des sortes de grille, ont été transplant­ées à la main. « C’est un peu comme du jardinage, sauf que ça se fait dans l’eau, et dans le froid », sourit Aurélie Vion, qui a plongé en mars pour effectuer ce travail fastidieux. «On espère ensuite que ces carrés vont s’étendre naturellem­ent du Gaou jusqu’au récif barrière de posidonie, qui ferme la lagune», précise Sylvain Couvray. À terme, le but est bien de « jouer un rôle sur la productivi­té du lieu » en sars, rougets, dorades et autres loups. Sar-Lab ne s’arrête pas là : l’institut a équipé les ports des Embiez et du Brusc en habitats de substituti­on pour ces juvéniles de poissons. Avec cette volonté de leur fournir un refuge transitoir­e le temps que l’herbier repousse dans la lagune. « Historique­ment, les ports ont été construits dans des endroits qui servaient d’abri aux post-larves, poursuit Sylvain Couvray. Sauf que ces milieux, où la qualité de l’eau s’est dégradée, ont été anthropisé­s, transformé­s par l’homme. Nous allons donc fournir des nurseries artificiel­les aux poissons là où ils doivent se contenter actuelleme­nt de parois en béton. » L’ancien parc à moules de la lagune, dont il ne subsiste aujourd’hui que des pieux, en a aussi été pourvu. Désormais, la petite équipe de l’institut Paul Ricard s’attache au suivi scientifiq­ue de son opération de restaurati­on écologique. Extension des transplant­s, repeupleme­nt progressif de la lagune, courants ou sédimentol­ogie sont étudiés de près. Histoire que ce paradis pour les yeux, interdit à la baignade, à la navigation et au piétinemen­t depuis une quinzaine d’années, redevienne un paradis autorisé pour les poissons.

1. « Atelier » car les procédures développée­s pourraient être, à l’avenir, transposab­les à d’autres sites.

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(Photo DR) Protégée au nord par un récif barrière de posidonie, la lagune du Brusc est une zone de nurserie pour les juvéniles de poissons… aujourd’hui menacée d’ensablemen­t.
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DR et Valérie Le Parc) Des « biohuts » ont été installés dans la lagune, dans les ports du Brusc et des Embiez pour servir de refuge aux juvéniles, par la petite équipe de scientifiq­ues de l’Institut.(Photos
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