Porte-avions : l’École Boulle signe la table du pacha
À l’occasion de la refonte à mi-vie du Charles-de-Gaulle, une nouvelle table a été dévoilée dans le carré du commandant. Elle a été réalisée par les élèves de la prestigieuse école d’arts parisienne
Disons-le sans hésitation : ça ne rendra pas le porte-avions nucléaire plus performant. Mais le carré du commandant du plus prestigieux des navires de guerre français se devait d’être plus richement décoré. Or, la table d’origine n’était « clairement pas à la hauteur du lieu », dixit l’amiral Pierre Vandier, ancien pacha du Charles-de-Gaulle. Pour tout dire, à l’heure d’accueillir des chefs d’étatmajor étrangers, voire des ministres à bord de ces 42 000 tonnes de diplomatie, ça en était presque gênant pour les marins français. «La table d’origine avait mal vieilli. On la recouvrait régulièrement avec un tapis d’embarcation pour cacher la misère », lâche, sans détour, l’amiral Vandier.
Le mécénat à la rescousse
Depuis samedi, cette « faute de goût » est enfin réparée. Livrée ce week-end dans quatre caisses, la toute nouvelle table du carré du commandant, signée de la prestigieuse École Boulle, a été dévoilée hier au cours d’une petite cérémonie à laquelle participaient non seulement les élèves qui ont réalisé cette pièce de mobilier, mais aussi les mécènes qui ont accepté de payer la facture. C’est qu’une telle pièce unique a un prix. « De l’ordre de 10000 à 15000 euros », révèle timidement le capitaine de vaisseau Éric Malbrunot, lui aussi ancien commandant du porteavions nucléaire. Parmi les mécènes, on trouve Naval Group (ex-DCNS) bien sûr, mais aussi TechnicAtome qui fournit notamment le combustible nucléaire des chaufferies du porteavions, ou encore Bourbon, groupe de services maritimes propriétaire des célèbres remorqueurs de haute mer Abeille. «Le porteavions Charles-de-Gaulle représente la France en mer. Des conflits se règlent parfois sur des tables. C’est merveilleux de se dire que l’École Boulle, école d’excellence en matière de métiers d’art, peut être présente à bord d’un tel bateau », s’enthousiasme Caroline de Châteauvieux, épouse du Pdg du groupe Bourbon.
Plus de trois ans de travail !
Si le prix peut paraître élevé à certains, il est en rapport avec les innombrables heures de travail nécessaires à la réalisation de l’objet. Lancé en avril 2015, le projet aura demandé plus de trois ans pour se concrétiser! Guillaume Fest, l’un des élèves qui a participé à la fabrication de l’objet, évoque les nombreux problèmes techniques qu’il a fallu résoudre. Pendant ses deux ans d’études à l’École Boulle, il a rêvé de cette table. « Les difficultés ont été nombreuses. Et à chaque fois, il a fallu trouver des solutions. Comme choisir le bois idéal pour supporter le porte-àfaux important de la table ou trouver, après une multitude de tests, la bonne colle pour le placage en cocobolo. Pour ne rien laisser au hasard, on a même reproduit à l’échelle 1 le salon du commandant du porte-avions Charles-de-Gaulle où la table est aujourd’hui installée ! C’est aussi ça l’excellence de l’École Boulle ». Le résultat est au rendez-vous. « Je suis très fier du travail effectué », confie Guillaume. Il n’est pas le seul. L’actuel commandant du porteavions nucléaire, le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain, est sous le charme. « Vu la taille impressionnante du plateau, la table étonne par la légèreté qu’elle dégage. On dirait qu’elle vole ». Amoureux du travail du bois, il déclare : « Cette table réalisée par l’École Boulle, un nom qui m’a toujours fait rêver, est un signe fort de ce que le porte-avions nucléaire 2.0 est en train de devenir. C’est le rendez-vous de l’excellence ».