Sauveur Campanella, un para au fil de l’Histoire
Tentative de coup d’État en Algérie, doublure d’acteurs dans la série du Gendarme ou encore inauguration du circuit du Castellet… Portrait d’un parachutiste ayant arpenté le siècle
Le 24 juin prochain, après dix ans d’absence, les moteurs des Formule 1 rugiront de nouveau sur le circuit du Castellet. Pourtant, en cet après-midi de mai, au fond du bar-tabac toulonnais La Régence, Sauveur Campanella se souvient d’un autre départ. De celui, pour être très précis, du 19 avril 1970… Alors membre du Cercle de parachutisme de Nice, le voilà sautant d’un avion à hélice avec une poignée de compères au-dessus du circuit. « C’était pour l’inaugurer ! se souvient l’octogénaire. Peu après que nous nous soyons posé en parachute sur le bitume, la course a démarré. Mais à l’époque, c’était des Formule 2... »
Mythique
Même si, dans les années 1970 et 1980, les sauts en parachute sont à la mode pour marquer les «gros événements » - « on sautait un peu partout sur la Côte d’Azur, notamment pour le bain de Noël, à Nice », confie Jacques Peyrat, fondateur du Cercle de parachutisme niçois et ancien maire de la cité azuréenne, il faut croire que 1970 a été une année particulièrement faste pour Sauveur. Car un mois après avoir participé au baptême en grande pompe de la piste Paul-Ricard, voici en effet le natif de Tunis en train de déployer sa toile au-dessus de la plage de Pampelonne, à Saint-Tropez. Pourquoi ? Pour… doubler les acteurs du film Le Gendarme en balade ! Mais comment diable s’est-il retrouvé sur le tournage du quatrième opus de cette mythique série ? Eh bien, le plus simplement du monde…
Hippies à oualpé
« Jean Girault, le réalisateur, avait besoin de faire sauter les gendarmes en parachute sur la plage pour pourchasser des nudistes, glisse Sauveur Campanella. Il a alors contacté notre club niçois pour avoir des doublures, et comme j’étais moniteur, j’ai été choisi avec cinq autres pour participer au tournage. » Affublé d’une tenue de gardien de la paix, il course des hippies à oualpé sous l’oeil de Michel Galabru et de Jean Lefebvre, hilares. Mais c’est Louis de Funès qui frappera le plus Sauveur. « Le midi, il a voulu que je mange à côté de lui, lâche le para. Les autres en étaient même étonnés car de Funès avait un caractère bien trempé et mangeait souvent seul sous sa tente. Mais il était très intéressé par le parachutisme, il voulait savoir comment c’était, connaître les sensations. Du coup, on a sympathisé, on parlait pendant les pauses. »
Le putsch et les ordres
Il faut dire que depuis qu’il l’a découvert dans les années 1950, alors armurier militaire, il n’a jamais lâché le parachute et « l’impression de liberté » qu’il procure. Alors que la guerre d’Algérie fait rage, il s’engage dans les commandos de l’armée de l’air. Mais loin des facéties d’un Galabru aux prises avec des naturistes, les sauts dans le djébel débouchent sur des combats à mort contre les « rebelles » du FLN. Si, au cours de ces années, le vieux soldat assure n’avoir « jamais vu ou pratiqué la torture », ni s’être livré à des opérations de « ratissage » contre les populations civiles, une bascule survient en 1961. Les commandos de l’armée de l’air ayant participé au putsch des généraux sont dissous. Celui de Sauveur en fait partie… « On avait bloqué une base aérienne près d’Alger… Mais on avait obéi aux ordres », jure Sauveur. Il se retrouve à Nîmes avant de filer en Allemagne puis à Nice. Il intègre son cercle de voltigeurs aériens et devient cadre de banque, avant de s’installer à Toulon dans les années 1980 et de bosser au casino de Bandol.
Destination finale
Peu après l’accident de Mannheim (1), il se rend, en tant que président du club de parachutisme de Toulon, sur les lieux du drame. Avant d’inaugurer, d’un saut de parachute sur les plages du Mourillon, la plaque rendant hommage aux morts. Mais, si elle a parfois pointé le bout de sa lame, la faucheuse n’a jamais réussi à trancher les ailes de l’ancien commando. Fourré au Cannet-des-Maures tous les week-ends de 1970 à 2005, il estime avoir sauté « 10 000 fois » et formé « des milliers » de gonzes à se mouvoir dans les airs.
Anecdotes en salle
Désormais, il est temps de transmettre à la postérité quelques traces de cette vie mouvementée. Le vieillard a confié une photo et un article de presse, retraçant son aventure gendarmesque de 1970, au musée de la gendarmerie et du cinéma et de SaintTropez. « Nous sommes toujours à la recherche d’information sur les films des gendarmes. Nous intégrerons les documents et la petite anecdote de M. Campanella lorsque nous referons la scénographie, cet automne », sourit Gwenaëlle Van Butsch, la conservatrice du musée.