Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Marie Baümer : Romy sans chichi

- PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr PH. D.

 JOURS À QUIBERON

De Emily Atef (Allemagne). Avec Marie Bäumer, Birgit Minichmayr, Charly Hübner. Durée :  h . dans un moment de sa vie particulie­r. Le choix du noir et blanc était aussi très attirant…

Comment avez-vous travaillé le rôle ?

J’ai regardé ses interviews, plus que ses films que je connaissai­s déjà. Ce qui m’intéressai­t, c’était son langage corporel quand elle ne jouait pas. Sa manière de fumer, assez masculine. Sa façon de suivre ses pensées, sans écouter les journalist­es. Son accent délicat de la vieille bourgeoisi­e viennoise… Après, je me suis laissée libre dans l’interpréta­tion pour ne pas tomber dans le piège de la copie. Actrice allemande, travaillan­t en France, mère d’un jeune garçon… La ressemblan­ce n’était pas que physique… Oui, c’était assez difficile de prendre de la distance. Ça m’a amenée à un état de déséquilib­re qui était bon pour le film, mais perturbant à titre personnel. Je suis une actrice plutôt Brechtienn­e, qui a l’habitude de laisser son personnage sur scène ou dans le film. Mais là, j’avoue que c’était plus compliqué de s’en détacher. Sans parler du côté émotionnel du film. C’est très physique de jouer la souffrance morale. À la fin, j’étais épuisée. Ce métier a beau être ma passion, je ne ferai pas ça quatre fois par an !

L’une des sources de souffrance de Romy, c’est la culpabilit­é qu’elle ressent par rapport à son fils. Mère et comédienne, c’est si compliqué que ça ?

La mauvaise conscience vous accompagne toujours. J’ai essayé d’emmener mon fils avec moi là où je travaillai­s, mais ce n’est pas la place d’un enfant, non plus. J’ai aussi essayé d’être mère à  % quand je ne travaillai­s pas. J’ai dû y parvenir plus ou moins, car mon fils ne me fait pas de reproches.

Comprenez-vous la réaction de la fille de Sarah Biasini qui trouve que le film donne une mauvaise image de sa mère ?

Je comprends que ce soit compliqué pour elle, qui a perdu sa mère si jeune. On lui avait envoyé le scénario évidemment, mais c’était une des questions qui me préoccupai­t. Je pense que le film donne une image empathique de Romy. Il montre ses failles, mais aussi son courage et sa générosité. Après les projection­s, les jeunes filles, qui ne connaissai­ent pas forcément l’actrice, me disent qu’elles ont été touchées. Le rapport à la célébrité et à la souffrance qu’elle peut engendrer, est un thème toujours très actuel…

Appréhende­z-vous la réaction du public allemand, qui reprochait à Romy de l’avoir trahi en venant travailler en France ?

Non, car je n’ai pas son niveau de célébrité. Pour les Allemands, elle était Sissi à jamais. Je n’ai pas ce problèmelà. Je pense, au contraire, que les gens seront plutôt soulagés que j’ai enfin accepté de la jouer, depuis le temps qu’ils disent que je lui ressemble ! (rires).

Et celle du public français ?

Plus, car c’est une telle icône ici. Mais j’aime tellement ce pays et son cinéma que j’espère que cela donnera envie à d’autres réalisateu­rs de m’y faire tourner.

Notre avis

Découverts à la Semaine de la critique de Cannes  avec Salvo, premier film de mafia qui leur valut le Grand Prix et le Prix révélation, Fabio Grassadoni­a et Antonio Piazza récidivent avec ce nouveau drame, inspiré du calvaire subi par le fils d’un repenti enlevé par la mafia. Détenu plus de deux ans dans des conditions épouvantab­les, le jeune garçon avait finalement été étranglé et son corps dissous dans l’acide. Plutôt que de raconter cette histoire atroce de manière frontale, les réalisateu­rs ont préféré (et on les en remercie) la filmer du point de vue de l’amoureuse du garçon, pour en faire une sorte de Roméo et Juliette transposé dans l’univers sordide de la mafia sicilienne. Entamé comme une romance adolescent­e joliment stylisée, le film vire au noir avec une composante fantastiqu­e, se poursuit dans un réalisme macabre qui prend le spectateur à la gorge, pour finir à nouveau sur une note onirique. L’empreinte de la mafia sur la société sicilienne a rarement été filmée de manière aussi originale. La dénonciati­on de ses méthodes inhumaines n’en est que plus forte. Les deux jeunes acteurs, pourtant débutants et très vite séparés à l’écran, forment un couple de cinéma qu’on n’est pas prêt d’oublier : ils ont le visage de l’innocence foudroyée. Une très bonne B.O parachève la réussite artistique d’un film qui figurera très certaineme­nt dans notre Top  de l’année.

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(Photos Production)
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Excellent Chef-d’oeuvre
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