Entretien avec un migrant
Depuis juillet dernier, une résidence de Sainte-Maxime accueille 30 demandeurs d’asile et les accompagne dans leurs premières démarches administratives. Rencontre avec ces exilés
Il porte encore sur son visage une innocence toute juvénile. Pourtant, quand on l’écoute raconter son histoire, son périple, Araf Omari donne presque l’impression d’être un vieillard. Du haut de ses 23 ans, ce jeune Afghan a déjà vécu toute une vie de douleur et d’exclusion (voir par ailleurs). En juillet dernier, il fut l’un des 30 premiers demandeurs d’asile placés à Sainte-Maxime, lorsque la résidence sociale des Platanes est, partiellement, devenue un Centre d’accueil et d’orientation (CAO). Une structure dédiée à l’accueil temporaire des migrants et à leur accompagnement. Ici, il n’y a que des hommes, majoritairement jeunes. Voire très jeunes.. Ils viennent d’Irak, d’Érythrée, du Pakistan... mais aussi et surtout d’Afghanistan. Comme au Luc, où il y a 30 autres demandeurs d’asile gérés par l’API, il s’agit du « tout premier accueil ». À savoir une arrivée avec un check-up santé pour détecter les éventuelles pathologies puis un accompagnement social de 6 à 8 mois en moyenne pour les aider dans leurs demandes d’asile. Que ce soit en France ou dans un autre pays européen pour les « dublinés » (voir encadré). « Notre credo, c’est l’insertion par le logement, temporaire et accompagné. Les demandeurs d’asile arrivent ici avec de lourdes problématiques, mais on les mène, petit à petit, vers l’autonomie», résume Alain Reche, directeur départemental d’API Provence, l’association qui gère la résidence des Platanes et son CAO.
« Retournez en Afrique pour aider les orphelins »
Au sein du petit complexe, 33 logements, du T2 au T4, compartimentés en chambres individuelles, façon résidence étudiante. Dans l’une d’elle habite Mamadou Sylla, un Mauritanien de 36 ans arrivé aux Platanes il y a à peine plus d’un mois. Il accepte de partager un peu de son fardeau, qui l’a conduit du Sénégal, où il résidait et travaillait, à la France. « Je suis passé par le Burkina-Faso, le Niger puis la Libye, d’où j’ai pris le bateau jusqu’à l’Italie. C’était il y a environ sept mois. De là, j’ai rejoint Turin, où j’avais des connaissances. Puis, étant francophone, j’ai pris un train pour Paris, où, comme tant d’autres, je me suis retrouvé Porte de la Chapelle, avant d’être finalement transféré à SainteMaxime. »
« Des histoires remplies de souffrance »
Il se projette un peu : « Ce qui me plairait, à l’avenir, c’est de pouvoir repartir en Afrique aider les nécessiteux. Travailler dans un orphelinat par exemple. Quand j’étais au Sénégal, je faisais déjà ça avec la paroisse. J’aimerais pouvoir recommencer. » Lorsqu’on lui demande quelles sont les raisons qui l’ont poussé à s’exiler ainsi, on sent bien qu’on touche à une corde sensible : «Je suis né musulman, dans une famille musulmane. Mais je me suis converti au christianisme... et ça ne s’est pas bien passé » se contente-t-il de dire. À part, Pierre Gerini, travailleur social, commente : « Moi, je connais leurs histoires, puisque c’est moi qui remplis leurs dossiers pour l’Ofpra (Office Français de protection aux réfugiés et apatrides). Et tous ont des parcours très durs, remplis de souffrance. » Rien d’étonnant alors à ce que la plupart aient des difficultés à ouvrir leurs plus profondes blessures. C’est le cas d’Ehsanullah, 22 ans, et de Shaidullah, 24 ans qui occultent les détails de leurs exodes depuis l’Afghanistan. Leurs pays natals qu’ils ont « dû quitter à cause de difficultés avec les Talibans ». Mais, lorsque Ehsanullah évoque brièvement avoir dû laisser derrière lui ses deux frères, « en Turquie puis en Grèce », avant de rallier la France, on imagine sans mal les souffrances évoquées par leur accompagnateur...