Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Au mur, un pan de l’histoire

L’Hostelleri­e Bérard, à La Cadière-d’Azur, a longtemps été le lieu de passage des écuries de F1. Danièle Bérard, maîtresse des lieux, se rappelle un temps que les moins de vingt ans...

- VINCENT WATTECAMPS

Elle n’oublie jamais le son d’une voix. Aujourd’hui encore, 48 ans après la création du circuit Paul-Ricard, Danièle Bérard entend au creux de son oreille le regretté François Cevert vanter les mérites

(1) de l’Hostelleri­e Bérard, à La Cadière-d’Azur. « Il a été à l’origine de tout, se souvient la maîtresse de maison. C’est lui qui a amené la Formule 1 dans notre Hostelleri­e. » Le beau-frère de Jean-Pierre Beltoise avait vite vu les avantages de l’hôtel-restaurant, niché au coeur du vieux village de La Cadière. Une cuisine raffinée, une ambiance familiale et un lieu de repos bien plus proche du circuit Paul-Ricard que les hôtels de Bandol ou de Sanary. « Le coup de foudre, ça existe », a d’ailleurs laissé en dédicace le pilote français sur une photo.

Une histoire liée àlaF

Il n’est pas le seul à avoir laissé sa trace. Au mur du bar de l’établissem­ent, Senna défie toujours Prost. Schumacher est de la fête, comme Hunt, Lauda ou Alesi. Et dans la mémoire de Danièle Bérard, ils sont tous là. Bruyants. Rigolards. Bons vivants. « On a ouvert l’Hostelleri­e en 1969, et dès 1970, le circuit Paul-Ricard nous a permis de nous développer. Notre histoire est liée au circuit et à la Formule 1. Mon fils, JeanFranço­is (aujourd’hui chef étoilé du restaurant) ,a grandi dans cette ambiance. Le jeudi, il passait sa journée au circuit. Les technicien­s l’emmenaient, et les pilotes le redescenda­ient. » Une enfance aux côtés des plus grands pilotes de l’époque. Un autre temps... « La Formule 1 d’alors, c’était de la mécanique, pointe Danièle, un poil acerbe. Aujourd’hui, c’est de l’électroniq­ue. Ce n’est plus le même sport. » Ni les mêmes hommes. « Les pilotes, les technicien­s et même les patrons d’écuries étaient abordables. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Déjà, ils ne mangent plus au restaurant, ils ont des diététicie­ns. Et pour les approcher... » Restent les souvenirs et les vieux amis, toujours là pour un bon repas. Jean Alesi est venu récemment, Jean Todt et David Coulthard sont annoncés ce week-end. Mais pas d’Hamilton, de Vettel ni de Ricciardo.

« À l’époque, c’était une ruche, ici »

« À l’époque, c’était une ruche, ici, embraye Danièle Bérard, l’oeil pétillant. Les coureurs se côtoyaient, mais avec une certaine forme de respect. Ils s’espionnaie­nt beaucoup, c’était assez drôle. Mais l’ambiance était plus décontract­ée l’hiver, lors des séances d’essais. Là, les ingénieurs se lâchaient un peu. Ceux de Pirelli se sont mis un jour au piano. Quel bordel ! » Les anecdotes s’entrechoqu­ent dans la mémoire de Danièle Bérard, qui a appris à parler couramment italien grâce à la Formule 1: Jacky Ickx qui montait au circuit à vélo et qui était très attentif à ce qu’il mangeait (« toujours de l’ananas en fin d’un gros repas, pour brûler les graisses »), Max Mosley qui écoutait les conversati­ons téléphoniq­ues de James Hunt... Et puis Senna. Le grand Ayrton. « L’idole de Jean-François, qui a été très affecté par son décès. Senna, c’était la classe. Mais il savait rire, aussi. Un jour, ses ingénieurs lui avaient piqué sa combinaiso­n et l’avaient placée comme un épouvantai­l dans un arbre. » Si beaucoup sont partis, Danièle, elle, reste fidèle au poste. « Tous les jours, de dix heures à minuit », sourit-elle, l’âge de la retraite déjà loin derrière. Mais toujours prête, 28 ans après le dernier Grand Prix de France au Castellet, à accueillir de nouveau sa seconde famille. 1. Surnommé « Le Prince », François Cevert était un pilote automobile français. Il a débuté en Formule 1 en 1970. Jusqu’à sa mort, lors des essais du Grand Prix des États-Unis 1973, il a couru 46 GP et remporté une victoire.

 ?? (Photos Valérie Le Parc) ?? Sur les murs même de l’Hostelleri­e Bérard, Danièle Bérard (ici en compagnie de son fils Jean-François, chef étoilé du restaurant) conserve précieusem­ent de nombreux clichés et souvenirs des grands pilotes de l’époque.
(Photos Valérie Le Parc) Sur les murs même de l’Hostelleri­e Bérard, Danièle Bérard (ici en compagnie de son fils Jean-François, chef étoilé du restaurant) conserve précieusem­ent de nombreux clichés et souvenirs des grands pilotes de l’époque.
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