Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Formule toujours magique?

Si plus de 250000 spectateur­s se sont précipités aux 24-Heures du Mans dimanche dernier, l’affluence n’est pas comparable en F1. Une discipline en pleine évolution, à la recherche d’un nouveau souffle

- LAURENT SEGUIN

Dimanche 17 juin 2018. La plupart des candidats au baccalauré­at entrent dans la dernière ligne droite de leurs révisions, quand un élève, en apprentiss­age sur les 24-Heures du Mans, sort une ultime fois du virage Dunlop pour rendre sa première copie dans la Sarthe. Reçu au premier coup et avec les félicitati­ons du jury, Fernando Alonso s’impose sur le mythique double tour de l’horloge avec Sébastian Buemi et Kazuki Nakajima. Deux pilotes qui, sans être des cancres, n’ont jamais été non plus des têtes de classe en Formule 1, mais qui, comme Alexan- der Wurz, sacré au Mans en 1996 et 2009, comme Derek Warwick, vainqueur en 1992, ou encore comme Johnny Herbert titré en 1991, ont donc fini par briller sur des 24 heures en forme de session de rattrapage pour recalés de la F1. Autant de succès qui nous laissent finalement devant une interrogat­ion. Puisque ces prototypes du Mans se posent en véritables baquets à lauréats pour les anciens de la F1, les monoplaces qui débarquent ce week-end au circuit Paul-Ricard ne seraient-elles pas les autos les plus compliquée­s à dompter? Les plus exigeantes à piloter? Celles qui feraient que toutes sembleraie­nt ensuite plus faciles à maîtriser? « Ce sont les voitures qui sont les plus difficiles à emmener à la limite, annonce sans hésiter le pilote portugais, Tiago Monteiro (deux saisons et un podium en F1). Et aujourd’hui, les évolutions des prototypes du Mans font qu’un pilote passé par la F1 ne se sent pas trop dépaysé en endurance. À la limite, la seule différence, c’est le poids et l’inertie, poursuit celui qui a pris le départ des 24-Heures du Mans à cinq reprises. Du coup, quand tu sais conduire vite une F1, sur le papier, tu dois être capable de tout emmener vite. » Un avis que ne partage pas Yannick Dalmas : «Ce n’est pas forcément vrai, et on a d’ailleurs pu voir que les pilotes qui avaient une approche exclusivem­ent F1 ne réussissai­ent pas obligatoir­ement en endurance », tempère celui qui s’est imposé à quatre reprises au Mans (1992, 1994, 1995 et 1999), après trois saisons plutôt mitigées en F1. Plus en réussite dans celle qu’il présente comme «la catégorie reine du sport auto », Jean Alesi, qui s’est brièvement essayé au mythique double tour de l’horloge (4e place de la catégorie GT en 2010), l’assure pourtant sans sourciller : «Il n’y a pas photo » entre les deux discipline­s. « L’endurance est fabuleuse, mais la F1 est un concept qui, depuis toujours, est très différent. Ce sont des monoplaces, des voitures ouvertes, et c’est toujours la catégorie reine, annonce le vainqueur du Grand Prix du Canada. Je suis capitaine de l’équipe de France FFSA et donc au contact des jeunes pilotes, et pas un seul d’entre eux ne rêve pas de F1. Tous ceux qui font du circuit ne pensent qu’à ça», observe celui qui s’est installé à 32 reprises sur un podium de F1. «Entre les deux, la question ne se pose même pas. »

Le Mans et ses   spectateur­s, une exception

Et pourtant, en tribunes, la question semble se poser. À quelques jours du grand retour du Grand Prix de France, pourtant attendu depuis vingt-huit ans dans le Var, le circuit Paul-Ricard n’affiche pas encore complet.135 000 spectateur­s étaient annoncés mardi sur les quatre jours de l’événement, quand on comptait plus de 256 000 personnes dans la Sarthe la semaine dernière. « L’événement des 24-Heures reste particulie­r, tempère Alain Prost. C’est très spécial et ça doit être mis à part. Mais la F1 reste la discipline phare du sport auto mondial. Car d’une culture européenne, c’est devenu mondial, et c’est ce qui fait aujourd’hui son succès », poursuit le quadruple champion du monde, tout en concédant qu’après Monaco, le GP du Canada était d’un ennui abyssal. Un ennui tel qu’il a fait réagir le directeur sportif de la F1. « La bataille pour le championna­t est très excitante cette saison, mais il est vrai qu’à Montréal, comme à Monaco, les qualificat­ions étaient sans doute plus intéressan­tes que la course, a déclaré l’ancien patron de Ferrari dans les colonnes de L’Équipe. Ce dont nous devons nous assurer dans le futur, c’est que le résultat des courses soit plus imprévisib­le, et que plus de voitures puissent s’imposer, a prévenu Ross Brawn. Au Canada, seuls les six premiers ont fini dans le même tour. C’était déjà arrivé cette saison, et ce n’est pas bon pour notre sport. » Lui aussi inquiet, Tiago Monteiro admet s’ennuyer ferme devant les Grands Prix. «Je n’ai pas regardé une seule course en entier cette saison. À la limite, les qualificat­ions sont plus intéressan­tes. Il va falloir trouver quelque chose pour relancer la flamme, prévient celui qui officie désormais en WTCR chez Honda. Ça peut venir d’un freinage moins efficace ou même d’une réflexion sur les pneumatiqu­es. Parce que des pneus tendres qui font une course entière, ce n’est pas sérieux. » Du sérieux, il va pourtant en falloir pour trouver des solutions et faire en sorte que l’on aille, comme le demande Alain «dans un sens un peu différent Prost, ». Et puisque celui que l’on surnommait le Professeur n’hésite pas à renvoyer les patrons de la F1 devant leurs chères études, nul doute qu’ils devront réviser leurs copies bien au-delà des résultats du bac.

‘‘ Tous les jeunes qui font de la piste ne rêvent que de F1” Jean Alesi, capitaine de l’équipe de France FFSA ‘‘ J’aimerais que l’on aille dans un sens un peu différent” Alain Prost, conseiller spécial de Renault F1

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Doc Var-matin)  juillet . Le duel entre les pilotes McLaren assure le spectacle. Dans le Beausset, Prost prendra le meilleur sur Senna.(Photo

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