Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Les noms de rues font découvrir l’histoire de la ville» Interview

L’historienn­e Evelyne Maushart signe son dixième ouvrage sur le passé toulonnais. Elle se promène dans les rues de la haute ville et ne passe pas à côté de la plaque

- PROPOS RECUEILLIS PAR SIMON FONTVIEILL­E

Vous avez toujours voulu savoir pourquoi le boulevard de Strasbourg s’appelait ainsi, qui était Lazare Carnot et vous séchez quand on vous parle de Noël Blache ? Alors Toulon, la nouvelle ville, ses rues, ses places, le dernier livre de l’historienn­e Évelyne Maushart sorti à la fin du mois de mars, est fait pour vous. C’est vrai qu’il ne vous permettra pas de gagner des camemberts au Trivial Pursuit, mais avec lui en tête, vous brillerez à coup sûr dans tous les repas de famille. Et clouerez le bec à votre fanfaron de beau-frère sorti d’école de commerce. Et ça, ça n’a pas de prix…

En quoi consiste exactement votre ouvrage ?

C’est un livre sur la toponymie, sur l’histoire des noms des rues et des places de la haute ville. C’està-dire environ  rues et places comprises entre les rues et avenues Jean-Jaurès au sud, de la Victoire au nord, des Dardanelle­s à l’ouest et Roosevelt à l’est. C’est exhaustif, et à ma connaissan­ce, ça n’avait jamais été fait. C’est aussi une suite directe de mon précédent ouvrage, dans lequel je revenais sur l’origine des noms de la basse ville.

C’est un boulot de fourmi, non ?

Sur ce livre, il y a entre  et  heures de travail. Je regroupe des cartes postales d’époque pour les illustrati­ons et je remonte le temps aux archives municipale­s, où je retrouve les différente­s délibérati­ons des conseils municipaux baptisant les rues. Sans parler des dossiers qui sont constitués sur chacune d’entre elles. Ça permet d’ailleurs de voir le nombre d’acteurs qui intervient. Le jardin Alexandre Ier a par exemple été nommé ainsi à la demande de l’Union des poilus de Toulon, en hommage à son rôle joué pendant la Première guerre mondiale.

Bon, et qu’est-ce qu’on apprend dedans ?

À travers les noms des rues, on découvre l’histoire de la ville et les tendances politiques des époques. La haute ville se construit à partir de , avec la destructio­n des remparts de Vauban et l’agrandisse­ment de Toulon vers le nord. Les bourgeois font construire des immeubles et mettent des loyers assez élevés. La petite bourgeoisi­e toulonnais­e et des officiers de marine à la retraite s’y installent, se séparant des ouvriers qui restent dans la basse ville. Pour baptiser les premières rues, on utilise des noms de personnali­tés locales, comme le colonel Joseph Picot, qui avait élaboré les premiers plans de la haute ville en . Mais également des grands noms militaires et politiques, comme Vauban et Colbert, ou, avec les rues Chalusset et Peiresc, des noms de prêtres et d’écrivains. Sans oublier le boulevard Napoléon… On est dans les grands noms de l’histoire nationale, on honore la Marine, la culture et l’Église. C’est très Second Empire !

Et au retour de la République, en  ?

Mis à part le boulevard Napoléon qui devient celui de Strasbourg, en souvenir de la défaite contre la Prusse, il n’y a pas beaucoup de changement­s de noms. Le but est de ne pas perturber la Poste et la collecte des impôts…

Rien ne bougera jusqu’à aujourd’hui ?

Si ! Entre  et , les remparts sont rasés et de nouvelles voies créées. On donne alors des noms de personnali­tés locales, comme celui de Noël Blache, le premier maire toulonnais de gauche en , mais on cherche surtout à souder les citoyens autour du souvenir de la Première guerre mondiale. D’où les avenues Maréchal-Foch, des Dardanelle­s ou Rageot-de-La Touche, un maire toulonnais mort pendant le conflit. Vient ensuite le régime de Vichy, pendant lequel il restait des rues à baptiser. On a donné des noms de victoires militaires françaises pour se consoler, comme celle de Montebello en , mais également de victoires allemandes et des noms de dignitaire­s du régime… L’actuel quai Cronsdadt était par exemple le quai Pétain. Mais j’avoue qu’aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi la rue Alphonse-Daudet a été nommée ainsi en . Pour la culture ou son engagement d’extrême-droite ?

En , on est plus détendu quand on baptise des rues ?

Oui, c’est beaucoup plus apaisé. Vous n’avez pas de volonté politique flagrante. Par exemple, de nombreux lotissemen­ts portent aujourd’hui des noms de fleurs… Toulon, la nouvelle ville, ses rues, ses places, éditions Mnemosis. 182 pages, 25 euros. Disponible sur le site evelyne-maushart.e-monsite.com

 ?? (Photo Florian Blanchard) ?? Évelyne Maushart est avec son dernier bébé : son livre Toulon, la nouvelle ville, ses rues, ses places. Promis-juré avec ça, l’histoire de la haute ville n’aura plus de secret pour vous.
(Photo Florian Blanchard) Évelyne Maushart est avec son dernier bébé : son livre Toulon, la nouvelle ville, ses rues, ses places. Promis-juré avec ça, l’histoire de la haute ville n’aura plus de secret pour vous.

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