Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La contre-attaque de l’État contre un Varois

Après avoir bataillé pendant cinq mois pour avoir le droit de conduire sa voiture (sic), Loïc B. doit encore se défendre devant le Conseil d’État. « Choquant et déshonoran­t », dit son avocat

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

Loïc B. n’en demandait pas tant. Depuis qu’il a obtenu, dans la première quinzaine de mai, la précieuse carte grise qui lui faisait défaut, il espérait voir son affaire classée. Cet habitant de Vidauban fait partie des dizaines de milliers de Français, en bute avec le système dématérial­isé de délivrance des cartes grises – le fameux site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), devenu célèbre pour ses bugs. L’Alfa Roméo d’occasion que Loïc B. a acheté en décembre 2017 a désormais une carte grise – il peut donc prendre le volant l’esprit tranquille, après cinq mois de galère. Le tribunal administra­tif de Toulon qu’il avait saisi avec son avocat, était passé par là et lui avait donné raison (Var-matin du 8 mai 2018).

Rien de révolution­naire

Patatras. Loïc B. vient d’apprendre que son dossier fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État: le ministère de l’Intérieur a présenté un recours contre la décision de Toulon. Le tribunal varois avait « enjoint [le] ministère de l’Intérieur de délivrer sans délai à M. Loïc B. un certificat d’immatricul­ation provisoire à son nom ». Rien de bien révolution­naire. Et pourtant, l’État ne veut pas en rester là. Réaction épidermiqu­e de l’avocat du Varois: « Je trouve cela choquant et déshonoran­t de la part du ministère de l’Intérieur. Tout cela parce que l’État n’accepte pas d’avoir été condamné à délivrer un bout de papier ! », pilonne Me JeanMarc Descoubes.

« C’est un principe qui est contesté »

Au ministère de l’Intérieur, on veut se montrer plus nuancé. « Ce qui est contesté, c’est le principe de l’injonction faite à l’administra­tion de délivrer une carte grise, et le paiement d’un dédommagem­ent, alors qu’il n’y a aucune faute de l’administra­tion (sic).» Pas de réponse sur les cinq mois à batailler pour obtenir une carte grise. Et en attendant, c’est bien tout le jugement de Toulon qui est sur la sellette. Le ministère justifie sa démarche en soulignant que sur 21 contentieu­x en France, seuls deux ont été perdus par l’État : un à Toulon et un à Melun. « Dans ces deux cas, des pourvois en cassation ont été formés », argumente le ministère. Et du coup, c’est chacun de ces jugements qui est remis en jeu. Avec ces recours, l’État conteste devoir dédommager les deux automobili­stes de Toulon et de Melun dans la Seine-et-Marne.

Se défendre devant le Conseil d’État

Dans le Var, en vérité, de dédommagem­ent il n’y a point, mais le paiement d’une somme de mille euros, « au titre des frais exposés » en justice. À payer

par la partie perdante – c’est l’article L.761-1 du Code de justice administra­tive. L’argent ne va donc pas dans la poche de l’intéressé. Mais le souci de Loïc B. aujourd’hui est de devoir se

défendre devant le Conseil d’État, ce qui lui coûtera au bas mot quelques milliers d’euros – « au moins

(1) 3 000 € hors taxe», évalue son défenseur. Ce salarié tourneur fraiseur dans la métallurgi­e n’en a absolument pas les moyens. Heureuseme­nt, il vient d’apprendre que sa protection juridique acceptait de prendre en charge le dossier. « C’est le pot de terre contre le pot de fer », livre-t-il par téléphone, passableme­nt énervé par la situation (lire son témoignage ci-dessus). Il aurait préféré – et de loin – pouvoir tout simplement rouler en règle. Avec sa carte grise. Et ne plus en entendre parler.

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(Photos Luc Boutria, doc Var-matin) Dans les préfecture­s ne subsistent que des bornes interactiv­es, mais pas d’accueil du public. Depuis novembre .

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