Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Je suis un policier arrivé au bout du supportabl­e »

Détention provisoire injustifié­e, déplacemen­t… jusqu’au cancer : ce fonctionna­ire, en poste depuis plus de 20 ans dans la métropole toulonnais­e, se bat pour retrouver son travail et son salaire

- PEGGY POLETTO

Il est à bout. Il a presque tout supporté mais aujourd’hui, D. T. craque. Financière­ment et moralement, il touche le fond. Policier depuis 34 ans – « dont 19 ans en tant que CRS »–, ce brigadier au dernier échelon est mis sur la touche depuis des mois. « On me refuse la reprise du travail. » Une mise à mort profession­nelle à quatre mois seulement de sa retraite qu’il ne supporte plus. Après s’être battu contre un cancer en 2009 et la justice, le quinquagén­aire est confronté à un mur. Celui de la décision d’un médecin de l’inspection régionale de la police qui, bien que ne l’ayant jamais rencontré, le déclare inapte. Comment en est-il arrivé là ?

La maladie

Un premier combat contre un cancer. Entré par vocation dans la police, l’homme va mener, pendant plus de deux ans, un bras de fer contre un lymphome en 2009. Chimio, hôpitaux et rémission. Responsabl­e d’un groupe d’interventi­on, il est finalement affecté dans un commissari­at de la région toulonnais­e. « Six années pendant lesquelles, profession­nellement, tout se passe très bien. »

Mise en examen

Un drame. Droit dans ses baskets de flic, D. T. connaît en 2013 un drame personnel. Sa belle fille décède à l’âge de 26 ans. Raison invoquée : une overdose (1). Lui, le représenta­nt des forces de l’ordre, celui qui mène avec ses collègues une lutte sans fin contre les trafiquant­s vit l’impensable, la lente descente aux enfers de sa fille de coeur. « À ce moment-là, elle vivait avec un compagnon toxicomane connu des services de police ». Et c’est ce même individu qui l’entraîne vers le fond. Vers l’incarcérat­ion (voir ci-dessous ).« J’ai été mis en examen. Placé en détention. Blanchi ».

Poussé vers la sortie

Reprendre une vie (quasi) normale. « J’ai été libéré du centre de détention de Luynes le vendredi. Le lundi, je réintégrai­s mon service. Même si on m’a changé de poste de police… ». Il le vit comme une « punition ». Un nouveau coup dur. Il faudra des interventi­ons syndicales pour que l’homme – qui est toujours officier de police judiciaire – réintègre son commissari­at d’origine. « On voulait me pousser vers la sortie. On me conseillai­t de prendre ma retraite anticipée. Je n’avais rien à me reprocher. Je ne vois pas pourquoi je l’aurais fait ».

Santé en question

Son emprisonne­ment durant vint et un jours derrière les barreaux n’a pas été sans affaiblir son état de santé. Il le dit peu mais il a été aussi victime d’un infarctus dans les semaines qui ont suivi sa libération. Y a-t-il un lien de causalité ? « Je ne peux pas le démontrer… Le placement en détention n’a pas été bénéfique… ». En février 2017, à la suite d’une opération de l’intestin. On évoque la présence de nouveaux lymphomes B. Nouvel arrêt maladie. La reprise étant soumise aux résultats d’un PET Scan, examen d’imagerie médicale. Sans attendre ce résultat, le médecin de l’Inspection régionale de la police le déclare… inapte. D’ailleurs l’examen va se révéler négatif avec un lymphome en rémission. « Un comité médical s’est réuni sur la base des documents médicaux et il devait émettre un avis sur ma reprise ou pas ». Cette reprise est validée pour le 13 février 2018 par le médecin traitant, un médecin de l’administra­tion et un oncologue. A condition, selon les autorités de la police nationale que le policier obtienne un certificat d’aptitude. « Le médecin de l’inspection régional a mis son veto malgré les certificat­s médicaux transmis. C’est lié à la décision d’une seule personne qui ne m’a jamais vu !», ne décolère pas le fonctionna­ire de police. Après 32 ans de services, il vit désormais avec moins de la moitié de sa paye. Son épouse a interpellé Mme Macron et la préfète de région de la zone police pour les alerter sur le vécu de son époux. En vain. « J’en ai assez bavé jusque-là. Je devrais partir dignement à la retraite le 20 octobre », termine-t-il écoeuré.

J’aime mon métier de policier par dessus tout”

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(Photos Luc Boutria) Après s’être battu contre un cancer en  et la justice, le quinquagén­aire est confronté à la décision d’un médecin de l’inspection régionale de la police qui le déclare inapte.

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