Un programme innovant dans la rade
Lancé il y a plus d’un an sur les côtes varoises, le programme « Impact » vise à définir un plan de gestion durable des aires marines protégées qui se trouvent à proximité des ports
Ce sont deux mondes que tout oppose. D’un côté, le port de Toulon, ses bateaux, la pollution qu’ils peuvent générer, et l’activité humaine pas toujours très saine pour l’environnement… De l’autre, le Parc National de PortCros, son inestimable biodiversité et ses nombreuses espèces à protéger. Entre les deux, il n’y a souvent qu’un plouf. La frontière n’est pas forcément très visible, et encore moins facile à contrôler. Difficile, en effet, de dresser une ligne Maginot au beau milieu de la mer, quand les courants vont et viennent comme bon leur semble. Alors, comment concilier une activité portuaire à proximité d’une aire marine protégée ? L’équation n’est pas évidente à résoudre. Mais il en faut plus pour refroidir l’ardeur des scientifiques. Voilà plus d’un an que Yann Ourmières, enseignant-chercheur à l’université de Toulon, se penche sur la question.
Science à petite échelle
«Ces courants, explique-t-il, peuvent être très variables, surtout à petite échelle». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, « très peu d’études ont été menées » dans ce domaine entre la rade et le Parc national. « Il y en a eu beaucoup en biologie, avec des prélèvements d’espèces, des carottages de sédiments, mais paradoxalement, pas au niveau des courants. » Et l’océanographe de préciser : « Les sciences sont plus avancées sur les études à grande échelle qu’à petite échelle. C’est bien plus simple de comprendre le courant en Méditerranée de manière générale que dans un espace réduit tel que la rade de Toulon. » Aujourd’hui, les scientifiques disposent d’avancées technologiques qui leur permettent d’approfondir leurs expériences. « Grâce à des codes de calcul, on peut prévoir le déplacement des masses d’eau, assure Yann Ourmières. On est capable d’avoir une vision spatio-temporelle de ces courants la plus probable qui soit.» Un peu à la manière de Météo France avec les conditions climatiques. Même si ça leur arrive aussi de se planter !
Données très précieuses
« Les données récoltées par ces flotteurs seront alors très précieuses pour corriger les prévisions du modèle », ajoute le chercheur toulonnais. Fin de la journée. C’est l’heure d’un premier bilan. « On pensait que les bouées suivraient le flux classique est-ouest, mais elles ont été rabattues vers la presqu’île de Giens, en raison du vent de sud qui s’est levé ». Conclusion : « Cela montre qu’avec un tout petit peu de vent, on peut avoir une inversion complète des courants. » Reste donc à effectuer de nouvelles analyses pour peaufiner les résultats. À terme, prédit Yann Ourmières, «on pourra mettre en place une sorte de guide qui recenserait toutes ces conditions sur une carte, un peu comme le fait Météo France » .Ces données seraient ainsi très précieuses, « si on imaginait par exemple une extension de certains parcs nationaux. » En attendant, le chercheur peut continuer à réfléchir à « comment ménager la chèvre et le chou » .Ce qui relève sans doute plus de l’art que de la recherche. Mais entre les deux mondes, apparemment, le saut n’est pas si grand. « On peut maintenir l’activité portuaire tout en préservant l’environnement», rappelle une dernière fois l’océanographe. « Notre but est de montrer qu’on peut faire les deux de manière honnête et coordonnée. »