Loïc-Dorian, jeune Camerounais : « Ma vie, elle est en France »
Trois ans après être arrivé à Toulon, ce jeune migrant a obtenu hier son CAP avec l’espoir d’obtenir un titre de séjour pour réaliser son rêve : travailler au sein d’une maison de retraite
Pas de cris, ni de larmes, ni d’effusion de joie. Seule une grande fierté se lisait, hier aprèsmidi, au lycée régional du Parc Saint-Jean dans le regard du jeune Loïc-Dorian Bele. À la lecture de son nom inscrit sur la liste d’admission des élèves au Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), il ne cache pas sa joie. À 19 ans, ce jeune Camerounais, arrivé en France, il y a tout juste trois ans après avoir été accueilli à Nice dans un centre d’hébergement, a obtenu son diplôme de CAP Hygiène Propreté Stérilisation. « Le premier » de sa jeune vie d’adulte. L’espace de quelques secondes, ce jeune homme qui ne tarit pas d’éloges sur son lycée mesure le chemin parcouru deux ans et demi plus tôt.
Vécu douloureux
Après avoir quitté ou plutôt « fui » son pays natal, enfouissant un vécu douloureux pour lequel il peine encore à y mettre des mots, Loïc-Dorian arrive à 16 ans et demi à Toulon. Sans famille, en ne maîtrisant pas parfaitement la langue française, il n’a pour seul bagage son sourire et sa volonté de tendre la main aux autres. Placé dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance, il ne ménage pas ses efforts, et suit des cours de français avec l’association CAAA. À la juge pour enfants qui lui demande ce qu’il souhaite faire plus tard, il répond sans hésitation : « Je veux accompagner les personnes âgées ; “vous êtes la première personne qui me dit cela depuis que je suis juge”, m’a-t-elle répondu», souritil. Son immersion dans une maison de retraite toulonnaise, durant son parcours scolaire, n’a fait que le conforter dans cette voie. Dans ce « lycée d’amour », il remercie les équipes pédagogiques qui «se sont battues, été attentionné et à l’écoute pour que je puisse finir mon deuxième trimestre. » « Il a été très courageux, et très sérieux dans ses apprentissages », insiste sa professeur principale, Stéphanie Zerillo. Intégrer une classe lorsqu’on est sans famille et déraciné de son pays natal, n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. « Comment expliquer que, depuis l’âge de huit ans, je n’étais plus allé à l’école. Alors me lever à 6 heures, c’était juste impossible, éclate-t-il de rire. Dans mon pays, je ne connaissais pas cela, ce côté presque militaire ! Chez nous, j’avais la liberté de tout faire. Évidemment, le premier trimestre a été très difficile, j’ai eu trop d’absences !» Et puis, il a compris que « travailler sans relâche» était devenu sa bouée de sauvetage pour s’offrir un avenir sur cette terre d’accueil. Une terre qu’il n’envisage plus de quitter. « Ma vie, elle est en France », dit cet amoureux du ballon rond, fervent supporter de l’équipe de France. « J’ai retrouvé une famille ici. Ils ont toujours été à mon écoute », dit Loïc-Dorian. Hébergé au sein de l’association départementale de la sauvegarde de l’enfance de l’adolescence et des adultes en difficulté du Var, il salue tout le soutien « qu’il a reçu des éducateurs et de l’inspectrice de l’aide sociale à l’enfance. »« Ils nous donnent l’amour que l’on n’a pas eu et ce courage tout au long de notre parcours, ici en France ». Son diplôme en poche, son désir de s’inscrire en première année de bac pro, sa promesse d’embauche dans une maison de retraite n’arrivent pas à lever « sa peur ». Celle qui le cheville au corps en silence. Celle de devoir quitter le territoire national faute de ne pas avoir obtenu le précieux titre de séjour.
Un an d’attente
Malgré sa demande, les papiers vérifiés par les services préfectoraux et la police aux frontières, les mois passent, et « l’attente depuis plus d’un an » devient angoissante. Au stress se mêle, aussi, l’incompréhension face « aux difficultés administratives rencontrées pour les mineurs isolés après 16 ans et demi. » En quittant hier le lycée, la devise « Liberté, égalité, fraternité » sur le fronton de l’établissement toulonnais prend tout son sens. Et redonne espoir à ce jeune croyant et pratiquant. « Je prie Dieu que je puisse avoir ma carte de séjour pour pouvoir aider les personnes âgées et avoir l’amour que je n’ai pas ressenti depuis longtemps. » 1. Comité animation. accueil alphabétisation