Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Macron adoucit la forme sans modifier son cap

Le chef de l’Etat ne compte pas réfréner son appétit réformateu­r: c’est l’enseigneme­nt principal de son interventi­on à Versailles, où il a défendu une politique qui émancipe plus qu’elle n’assiste

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Comme tout le monde, Emmanuel Macron lit les sondages. Hier devant le Congrès réuni à Versailles, le Président, une heure et demie durant, s’est donc d’abord employé à montrer qu’il n’était ni arrogant, ni indifféren­t au sort des plus fragiles. « Les peurs et les colères n’ont pas disparu en une année. Je sais que je ne sais pas tout, que je ne peux pas tout. » Nul mea culpa, cependant. Bien au contraire. Emmanuel Macron a défendu son cap. Celui, pour faire simple, d’une République qui émancipe plus qu’elle n’assiste et qui s’attaque, par l’éducation, aux racines du déterminis­me social. Dans un catalogue plus volontaris­te que précis, il a ainsi listé ce qui a été fait et ce qui va l’être, définissan­t son action comme «un bloc, une cohérence » qui vise à « être plus fort pour pouvoir être plus juste et améliorer la vie de tous, de la base au sommet de l’échelle sociale ». Egrenant les réformes déjà entreprise­s, le chef de l’Etat a mis en exergue une «année des engagement­s tenus, dans le dialogue et l’unité nationale. Les Français en voient les premiers fruits à l’école ou sur leur feuille de paie, mais ce ne sont que les premiers fruits ».

Un TGV de réformes

N’en déplaise à ceux qui aspiraient à une pause, Emmanuel Macron ne compte surtout pas ralentir le rythme des réformes. Sans entrer dans leur détail, il en a listé quantité pour 2019. En partant d’un credo dont il ne démord pas : toute politique sociale ne peut résulter que de la bonne marche économique. « Il faut une économie forte, non pour favoriser les riches, mais pour favoriser les entreprise­s, donc la nation. Pour partager le gâteau, il faut qu’il y ait un gâteau. » Pour grossir ce dernier, il compte doper le capitalism­e populaire en donnant un nouvel essor à la participat­ion et à l’intéressem­ent, faire revenir les investisse­urs étrangers, ou encore encourager l’entreprena­riat, en rendant la réglementa­tion « moins contraigna­nte ». Dans son souci de balancier permanent, il a aussi promis, laissant le soin à Edouard Philippe de le mettre en musique, « un plan pour moderniser l’action publique et repenser la présence de l’Etat et de ses services sur les territoire­s ». Vaste chantier. Côté éducation, après le dédoubleme­nt des classes de CP - CE1 en zones prioritair­es depuis septembre dernier, il a annoncé l’école obligatoir­e dès trois ans pour la rentrée 2019, ainsi que la réforme de l’apprentiss­age, qui tendra notamment à baisser le coût des apprentis pour les employeurs.

Patates chaudes…

Emmanuel Macron a en outre évoqué l’élaboratio­n d’un nouveau « contrat » avec les partenaire­s sociaux, dès le 17 juillet, et une invite aux dirigeants des cent premières entreprise­s françaises à se mobiliser en faveur de l’emploi. Les prochains mois seront, par ailleurs, marqués par la double réforme ultrasensi­ble de l’assurance-chômage et des régimes de retraite. Sur la base d’une philosophi­e : «Nous devons construire l’Etat-providence du XXIe siècle en protégeant de manière plus juste et plus universell­e, non en fonction d’un statut ». Annoncés également pour les mois à venir, sans autres précisions : « Le financemen­t et l’organisati­on du nouveau risque social qu’est la dépendance» et le plan pauvreté qui sera préparé «en y associant les principaux concernés ».

L’Europe progressis­te

Insatiable, Emmanuel Macron a encore planifié « une réforme de la procédure pénale qui allégera les charges inutiles pour les policiers et magistrats, et fera en sorte que la prison retrouve toute sa significat­ion en termes de punition et de réinsertio­n». Ultime promesse, celle d’un cadre rénové pour l’islam, avec lequel « la République n’a aucune raison d’être en difficulté mais qui doit respecter un certain nombre de principes intangible­s en France ». Comme attendu, le chef de l’Etat, a enfin rappelé son élan européen. Que ce soit pour faire face au défi migratoire « qui ne peut être résolu que dans la coopératio­n européenne », ou mettre en oeuvre «une Europe plus souveraine, plus concrète, moins bureaucrat­ique ». Et il a tracé, en vue des européenne­s de 2019, la frontière qui selon lui « sépare les progressis­tes des nationalis­tes ». « La France a les moyens de devenir une puissance du XXIe siècle », a-t-il conclu, exaltant un « patriotism­e vivifié ». Etait-il besoin d’un coûteux Congrès à Versailles pour asséner cela, quand un passage au JT de JeanPierre Pernaut, ou d’un autre, aurait peut-être suffi ? Chacun appréciera.

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(Photo MAXPPP) Emmanuel Macron à son arrivée au Congrès.

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