Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Je ne pensais qu’à rejoindre mon mari»

Questions à Josiane L’Héritier, habitante de La Garde veuve du capitaine Henri L’Héritier, mort à 35 ans

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Josiane L’Héritier avait 28 ans et trois enfants en bas âge quand son mari Henri, spécialist­e du vol de nuit, un « hibou » comme on dit, est « mort en service commandé ». Aujourd’hui à La Garde, fière d’une descendanc­e de neuf petitsenfa­nts, elle nous raconte le jour qui a bouleversé sa vie.

Quels souvenirs gardez-vous du drame ?

Mon mari était dans cet hélicoptèr­e pour rejoindre sa nouvelle affectatio­n, à Pau, où il devait prendre le commandeme­nt d’une escadrille. Il était prévu que je fasse le voyage en voiture avec les enfants quelques jours plus tard. La veille, nous étions allés à la piscine pour nous détendre. Il n’avait pas quitté le ciel des yeux : le mauvais temps menaçait…

Et le matin même, quelles étaient les conditions météo ?

Exécrables. L’orage grondait. Le décollage a été retardé de deux heures. Mais ils sont quand même partis. Dans les nuages, les vents étaient très violents. Une turbine a givré et ils ont perdu le contrôle de l’hélicoptèr­e. Sur le littoral, les gens ont vu l’appareil se crasher en mer. A son bord, il n’y avait que des spécialist­es dans leur domaine : l’école de l’Alat du Cannet s’est trouvée décapitée.

Vous avez été prévenue immédiatem­ent ?

Dans la matinée, trois militaires sont venus à la maison nous informer qu’ils avaient perdu la trace de l’hélicoptèr­e. Mais ils n’avaient pas encore repéré les corps - ils ne seront repêchés que le lendemain - et mon mari était champion de France militaire de natation : j’y croyais encore. Les enfants, eux, avaient très peur…

Comment leur avez-vous annoncé la nouvelle ?

Un soir, en fin de repas, j’ai pris mon courage à deux mains. Mais je crois qu’ils n’ont pas compris tout de suite ce dont il s’agissait. Ils avaient l’habitude que leur père parte en mission et soit absent un certain temps.

Et vous, comment avez-vous encaissé le choc ?

J’ai essayé de ne pas m’effondrer mais ça a été très dur pendant deux ans. Je pleurais toutes les nuits. Je n’avais plus goût à rien. Je ne pensais qu’à rejoindre mon mari. Même nourrir mes enfants devenait difficile. Pourtant, il me fallait trouver du travail, subvenir à nos besoins. Mais, veuve, avec trois petits, sans expérience, on me riait au nez…

Comment êtes-vous parvenue à rebondir ?

Je suis venue m’installer à La Garde, où je ne connaissai­s personne. Je ne voulais pas voir les copains rentrer le soir et, moi, attendre un mari qui ne reviendrai­t pas. Et puis un jour, je ne saurais dire pourquoi, les odeurs de la Provence, la lavande, le soleil… tout est revenu. J’ai trouvé du travail à la sous-direction aéronautiq­ue de l’arsenal, avant, plus tard, d’intégrer la DGA.

Au final, en avez-vous voulu à l’armée ?

Non. Beaucoup de nos amis militaires ont été d’un précieux soutien. Quant aux causes du drame… On dit que dans  à  % des accidents de ce genre, c’est une erreur humaine. Mais, moi, je ne veux pas qu’on dise que c’est la faute de qui que ce soit. C’était la fatalité, voilà. Aujourd’hui, ce que j’aimerais, c’est faire un vol en hélicoptèr­e. Histoire de communier avec mon mari, ce passionné, cet amoureux du ciel, qui disait avec humour qu’il s’envoyait en l’air toute la journée.

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