La nuit des pêcheurs ce soir au port Saint-Louis
Du poisson grillé dans des barbecues géants, des moules de Tamaris sur leur lit de glace… Ce soir, le Mourillon fait le plein de gourmandises. Entretien avec le patron des pêcheurs
Dans la moiteur estivale, sur les coups des 10 heures, Nicolas Cimarro nous attend à l’ombre des stores du Canastel, le barrestaurant à proximité du port Saint-Louis. Ce matin-là, au Mourillon, le prud’homme major de Toulon (ou premier prud’homme) arbore un teeshirt rouge et noir siglé… RCT. Et un large sourire. « Demain, ce sera noir de monde, lance-t-il, en désignant le port. Bienvenue à la Nuit des pêcheurs !»
(1) En effet, des milliers de personnes sont attendues, ce soir dès 17 heures (lire ci-dessous), au grand banquet des produits de la mer. «Cette fête qui valorise les produits locaux pêchés et cuisinés par nous-mêmes est incontournable, poursuit le Toulonnais de 36 ans. C’est a priori la fête toulonnaise qui marche le mieux, où il y a le plus d’engouement et de gens rassemblés. Et puis, le cadre du port Saint-Louis est attirant. » Titulaire depuis janvier d’un mandat de trois ans, il n’a pas mis le nez dans l’organisation cette année. Mais il l’assure : il y aura une 18e Nuit des pêcheurs l’an prochain. Et aussi bien d’autres projets.
«Développer la Nuit des pêcheurs »
« L’an prochain, j’aimerais étendre la manifestation, réunir beaucoup plus de pêcheurs d’espadon, de thon, qu’ils viennent avec des gros poissons tranchés devant le public… Les gros poissons, grillés à la plancha “tchaktchak” (il mime la découpe), ça plaît beaucoup.»
« Un futur musée ou un aquarium »
«On a plein de projets, notamment en ce qui concerne la réhabilitation de nos locaux de 430 m2 sur les quais. Pourquoi ne pas faire un musée de la pêche ou un aquarium via des fonds européens? Sans oublier notre concours au parcours des croisiéristes.»
« Une vente à quai horizon »
« Je veux valoriser notre travail, retrouver un rapport de proximité avec la clientèle toulonnaise. Pour l’heure, on n’existe pas réellement, notre place de vente est peu valorisée sur le cours Lafayette. On est en pourparlers avec la mairie et la Chambre de commerce et d’industrie afin de relancer une belle vente à quai d’ici à la fin de l’année, début 2019, devant les bateaux, redynamiser tout ça. Au début, on travaille sur une espèce de barnum sans construction rigide, très visible à la clientèle. L’objectif à terme, c’est d’aménager des chalets. Ça ne se fera pas en un jour mais on y travaille. »
« Accueillir les écoliers »
« Nous voulons faire revenir les écoliers sur le quai des pêcheurs. Je suis le plus jeune pêcheur de la section de Toulon qui en compte douze, c’est grave! C’est pourquoi on s’inscrit dans une démarche, conjointe avec le service municipal de la Ville durable, tourné vers la jeunesse.»
« Impuissant contre le braconnage »
«On se retrouve souvent confronté à ces mauvais comportements, dont nous sommes les premières victimes. On est impuissant face à ça, le braconnage est un vrai business. Il faut aussi citer les restaurateurs qui ne jouent pas le jeu. C’est un fléau. Quant à la pêche aux oursins, c’est aussi un vrai problème (elle débute le 1er novembre, Ndlr). On essaie d’être vigilant, de le signaler aux affaires maritimes, mais cette lutte est une compétence de la gendarmerie maritime, qui peut parfois être débordée. »
« Une bouillabaisse géante avec le RCT »
« Le port de Toulon peut être un exemple en Méditerranée. On a tout: les restaurants les pieds dans l’eau, des pêcheurs actifs, un plan d’eau et un marché provençal superbes, un stade mythique. Je rêve de faire une grosse bouillabaisse pour les joueurs du RCT, qu’on travaille tous ensemble. Oui, Toulon est une vraie ville maritime ! »
« Un grand rassemblement »
«Plusieurs manifestations seront organisées autour de la pêche. Avec l’adjoint au maire délégué à l’événementiel Jérôme Navarro, on parle même d’un futur grand rassemblement à Toulon de toutes les sections (sections de Toulon, Carqueiranne, Giens, HyèresPorquerolles et les salins d’Hyères) de la prud’hommie de Toulon.»
« Manifester contre l’Europe »
« Je parle du décret PME (Permis d’exploitation à la pêche) calculé en fonction de la puissance du moteur (en kW.h). Aujourd’hui, on nous impose de sortir 180 jours par an et de cotiser durant cette période. Sinon vous perdez tout. Donc les 80% de nos retraités, qui continuaient à arrondir les fins de mois, vont se retrouver à la rue. Leurs PME vont être redistribués sur les gros armements qui massacrent la Manche et l’océan Atlantique. D’ici à fin 2018, des centaines de retraités seront à la rue. Cette loi est inadaptée. Et aucun plan de sortie de flotte (dédommagement, réhabilitation) n’est prévu. Des centaines de bateaux vont mourir sur nos ports. On a déjà informé nos députés de notre contestation. Et on va se battre.»
« Régulateurs de la biodiversité»
«Le réchauffement climatique, la pollution et la cupidité ne sont pas engendrés par les pêcheurs. Tout ça, on le prend de plein fouet. On n’a plus d’hiver, la mer ne se réchauffe pas au même moment… On essaie de travailler avec ces facteurslà, mais c’est difficile. Nous sommes les premiers garants de la biodiversité. Le pêcheur de Méditerranée joue ce rôle depuis des siècles. Et on se battra pour que l’Union européenne arrête de nous mettre dans le même panier que les gros armements d’Atlantique ou de la Manche.»
1. « Je remercie d’ailleurs Gilles Tatania et Stéphanie du comité départemental des pêches, qui oeuvrent à l’organisation sans subvention.»