Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Seriez-vous prêt à tester les joutes provençale­s ?

Dans la tradition des duels médiévaux, les joutes continuent d’attirer les jeunes ouest-Varois. Notre journalist­e les a retrouvés sur le port de Sanary, et a eu droit à son petit baptême !

- CLARA MARTOT

C’est insolite et ludique, mais c’est avant tout un sport de combat. Confirmati­on de Gérard Cara, président de l’Union des targaïres sanaryens: « Nous avons pas mal recruté parmi les clubs de rugby. » De mon côté, première petite appréhensi­on. Mes adversaire­s auront 13 ou 14 ans maximum, mais certains sont déjà titrés ! Gérard m’avait expliqué: « Lorsque vous vous tiendrez au bout de la tintaine, c’est-àdire le plateau, vous serez à 2,50 mètres du niveau de la mer. Il faudra bien viser le plastron en bois de l’adversaire, car au bout de votre lance, il y a un manchon dentelé ferré.» Le jour J, devant plusieurs dizaines de touristes curieux qui nous observent sur le port de Sanary, je me repasse ces consignes en boucle. Je regarde les jeunes ados du club qui s’équipent : le coussin sous le plastron en bois qui protège la poitrine, la lance dans une main, le témoin dans l’autre. Ce dernier permet d’assurer que l’on ne va pas tenter d’attraper la lance de l’adversaire.

Un sport très codifié

«C’est un sport très codifié qui rappelle la vieille tradition des duels. Dans certains coins on se défiait sur un cheval. Ici, c’était sur des bateaux ! » m’apprend le très pédagogue Gérard Cara. Ce Sanaryen a commencé les joutes à 13 ans, en cachette de sa grand-mère. En 1983, il est vice-champion de « C’est physique mais c’est aussi un loisir qui permet de rigoler ! »

France. Aujourd’hui, il partage sa vie entre les marchés de la région et son bénévolat au club. « C’est une passion. C’est un sport avec beaucoup de valeurs. Il se transmet de génération en génération, et ça, c’est magnifique. » Surtout qu’il y a du renouvelle­ment, car les jeunes adorent : «C’est physique, mais c’est aussi un loisir qui permet de rigoler, de sauter dans l’eau… Et les enfants font de belles rencontres parmi les gens qu’ils affrontent. »

En tombant, lâcher lance et témoin

J’y suis justement. Au bout de la tintaine, je prends appui sur ma lance – et sur le bras de Romane Caci, troisième

au championna­t de Côte d’Azur des moins de 15 ans. Face à moi, l’autre bateau s’avance et je vois s’approcher sa cousine Lola Caci, 12 ans. Avant cette saison, elle n’avait jamais jouté. En juillet, elle a été sacrée vice-championne de Côte d’Azur. Je prends exemple sur elle et cale ma lance en bas de mon épaule droite. Mon bras gauche est tendu, le témoin dans la main. J’ai un pied en avant, fléchi. Gérard m’a prévenue, il y a une tradition : si un jouteur tombe dans l’eau tout seul, il se fait lyncher. Et en observant les jeunes licenciés, on voit dans leurs yeux une concentrat­ion de fer durant ces quelques secondes où les bateaux avancent l’un vers l’autre. Après cela, question contact, tout se passe en une seconde. Les lances se plantent dans le plastron, et il faut pousser sous ses appuis jusqu’à ce que l’un des deux jouteurs tombe. En l’occurrence, c’est moi ! Dans sa chute, il faut lâcher lance et témoin et veiller à ne pas se faire mal avec le plastron en bois. Ensuite, on nage tranquille­ment vers le bateau. En Provence, les engins sont à moteur. « Du côté de Sète, il y a des rameurs ! Le spectacle est plus impression­nant. Mais nous, on est paresseux », sourit Gérard Cara. Tout est relatif…

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(Photos Frank Muller)
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« Je cale ma lance en bas de mon épaule droite. Mon bras gauche est tendu, le témoin dans la main. J’ai un pied en avant, fléchi...»
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Logiquemen­t, c’est la néophyte qui tombe à l’eau...

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