Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’assassinat jamais élucidé

DANIEL PERRIN , ÉLU SEYNOIS TUÉ A SANARY IL Y A 32 ANS

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Le 29 août 1986, le deuxième adjoint au maire de La Seyne était assassiné à Sanary. 32 ans après, le commandita­ire et les exécutants du premier contrat visant un homme politique dans le Var n’ont jamais été retrouvés… Entretien avec le journalist­e Jean-Pierre Bonicco qui a enquêté et consacré un livre à l’affaire

Ancien journalist­e à Var-matin, quotidien dont il a noirci les colonnes de 1974 à 1998 et où il assura pendant dix-huit ans le traitement des faits-divers, Jean-Pierre Bonicco est revenu sur l’affaire Daniel Perrin dans plusieurs chapitres de son livre Contrats sur la démocratie – Paca : ces élus qu’on assassine… (2004 éditions Bertillat) dont sont extraits les “dates clés” (voir encadré). Trente-deux ans après, force est de constater que l’énigme de l’assassinat, au soir du 29 août 1986, du 2e adjoint au maire de La Seyne Charles Scaglia, victime d’un contrat et abattu devant son domicile de Sanary, garde son mystère. Le journalist­e enquêteur répond à nos questions.

L’assassinat de Daniel Perrin est emblématiq­ue...

C’est le premier contrat qui touche un élu de la Côte d’Azur et le premier exécuté dans le Var. Je pense que l’on peut considérer que l’impunité dont ont bénéficié les assassins de Daniel Perrin en  a inspiré ceux de la députée Yann Piat à Hyères, en . C’est ce qui se dit dans les milieux interlopes du Var : peut-être que sans l’assassinat de Daniel Perrin, Gérard Finale et sa bande de tueurs ne seraient pas passés à l’acte...

Un contrat exécuté par des profession­nels ?

Comparons l’assassinat de Daniel Perrin et celui de Yann Piat : la députée du Var a eu certes affaire à des gens qui étaient dangereux mais ce n’était pas des profession­nels… En ce qui concerne l’assassinat de l’adjoint au maire de La Seyne, c’est différent : les tueurs abattent Daniel Perrin devant sa maison, et repartent tranquille­ment en ignorant même un témoin de la scène qui croit sa dernière heure arrivée. On ne sait pas dans quelle direction ils prennent la fuite. On ne les a jamais retrouvés.

Quel souvenir gardez-vous de cette soirée tragique ?

Pour l’anecdote, l’assassinat de Daniel Perrin s’est produit un soir de “Gazette en chansons” (l’ancienne Tournée Var-matin )etiln’y avait pas un journalist­e disponible à l’agence de La Seyne. C’est le rédacteur en chef de Var-matin République de l’époque qui était venu du siège d’Ollioules pour couvrir ce fait-divers.

C’est une période plus apaisée maintenant…

Effectivem­ent, c’est plus calme. Les règlements de comptes ont baissé de manière significat­ive, c’est évident… À l’époque, sur le plan du banditisme, les frontières étaient poreuses. Sanary et Bandol étaient considérée­s comme des annexes des Bouches-duRhône. Mais peut-être que le milieu a changé, s’est adapté ?

À La Seyne, le climat politique du milieu des années  était aussi particuliè­rement tendu…

C’est sûr que l’assassinat de Daniel Perrin arrive dans un contexte très particulie­r. La Seyne traverse alors une double crise. Une crise politique d’abord. Après une campagne électorale folkloriqu­e marquée par une série d’élections, la seconde ville du Var, surnommée “La Mecque rouge” car gouvernée par la gauche, par opposition à “Toulon la noire”, ville de droite avec des tendances extrême droite, de culture Algérie française voire OAS, change de bord. La municipali­té (UDF-PR) de Charles Scaglia arrive aux affaires. Dans le contexte d’une crise économique ensuite, avec la fin des chantiers navals…

Une crise morale aussi…

Avec la mort de Daniel Perrin s’ajoute une crise morale. Parce que son assassinat a été exploité. Aussi bien par l’opposition de gauche que par la droite qui a lâché Scaglia et son équipe. Sans doute que la perspectiv­e des élections sénatorial­es qui se profilaien­t n’a pas été étrangère à ce lâchage… Scaglia, pressenti pour être sénateur du Var, ne l’a finalement jamais été.

Les différente­s pistes n’ont pas abouti ?

Sur cette affaire, la police judiciaire, pourtant auréolée d’un bon taux d’élucidatio­ns, est restée le bec dans l’eau. Elle a manqué de réussite, de pistes, de témoignage­s… Le coup a été très bien monté. Toutes les pistes ont-elles été exploitées ? Je ne sais pas si toutes les pistes ont été exploitées, mais la famille s’est constituée partie civile et les avocats d’une partie civile adressent des observatio­ns au juge. L’avocat de la famille était un grand ami et du même bord politique que Daniel Perrin : le bâtonnier Jean Pin (décédé le  septembre , Ndlr). C’était un grand pénaliste qui faisait de la résolution de cet assassinat une affaire personnell­e.

Quel souvenir laisse Daniel Perrin ?

Deuxième adjoint au maire, Daniel Perrin était l’homme fort de la mairie de La Seyne. Il avait des conviction­s très fortes et en même temps c’était une grande gueule ! Il ne se laissait pas intimider.

La fin des chantiers mais aussi leur reconversi­on apportent une coloration particuliè­re à sa mort…

Une manne financière s’est abattue sur La Seyne pour compenser la fermeture des chantiers et il y a eu la création de cette zone d’entreprise­s de Signes, très loin de La Seyne d’ailleurs, pour laquelle Daniel Perrin n’était pas d’accord.

Ce serait la piste principale ?

Je ne dis pas que c’était la cause de sa mort, mais il me semble évident qu’il aurait contesté la création de cette zone d’entreprise­s. A une époque où la municipali­té Scaglia a tout fait pour sauver les chantiers.

Votre intime conviction ?

Je n’en ai pas. L’enquête, qui n’a pas abouti, a permis de mettre à jour un climat qui a fait office de révélateur. On ne sait rien, mais la façon dont l’affaire a été exploitée lui a donné une teinte particuliè­re. Je pense qu’on ne connaîtra jamais la vérité. Même si par miracle on découvrait qui sont les assassins, qui ont probableme­nt été manipulés, on ne remontera pas jusqu’au véritable commandita­ire.

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Jean-Pierre Bonicco, présentant son livre en  : « Je pense qu’on ne remontera jamais jusqu’au principal commandita­ire. »

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