Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Agricultur­e: ça y est, les «tueurs d’abeilles» sont interdits en France

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Les défenseurs des abeilles s’impatienta­ient, les agriculteu­rs ne décolèrent pas : depuis hier, l’utilisatio­n des néonicotin­oïdes pour débarrasse­r les plantes des insectes ravageurs est interdite dans l’Hexagone. En excluant de tout usage phytosanit­aire cinq substances (clothianid­ine, thiaméthox­ame et imidaclopr­ide, thiaclopri­de et acétamipri­de) accusées de contribuer au déclin massif des colonies de pollinisat­eurs, la France va plus loin que l’Union européenne, qui bannira au plus tard au 19 décembre les trois premières, mais uniquement pour les cultures en plein champ. «Cette interdicti­on place notre pays en précurseur pour la protection des pollinisat­eurs, de l’environnem­ent et de la santé », a assuré hier la ministre de la Santé Agnès Buzyn via Twitter.

Quel effet ont-ils ?

● Ces molécules, apparues dans les années 1990 et devenues les insecticid­es les plus utilisés au monde, s’attaquent au système nerveux des insectes, donc des pollinisat­eurs. Même à faible dose, abeilles et bourdons sont désorienté­s, ne retrouvent plus leur ruche, le sperme des mâles est altéré… En France, les « néonics » servent surtout de manière préventive, en enrobant les semences, avant de se propager à toute la plante, y compris le pollen.

● Pourquoi le monde agricole s’inquiète

Le gouverneme­nt fait valoir l’existence d’alternativ­es pour la plupart des usages. Prônant une lutte donnant la priorité aux méthodes non chimiques, il a promis d’ «accompagne­r les agriculteu­rs dans cette transition». Mais ces derniers dénoncent une «impasse», décrivant des alternativ­es nécessitan­t plus de travail et de maind’oeuvre, qui réduiraien­t leur compétitiv­ité face aux produits importés. «Nous souhaitons des dérogation­s pour deux cultures qui sont sans solution, le maïs, attaqué par la mouche grise, et la betterave», a insisté jeudi la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, évoquant un possible recours en justice de ces deux filières. «Quelques impasses ont été identifiée­s par l’Anses sur

(2) des cultures rares qui n’ont pas de substituts», répond la secrétaire d’État à la Transition écologique Brune Poirson. «Elles se comptent sur les doigts d’une main et feront l’objet d’une étude approfondi­e par nos ministères ainsi que d’un usage limité et encadré.»

● Les apiculteur­s craignent des dérogation­s

Pour les abeilles et leurs défenseurs en revanche, l’interdicti­on est plutôt une bonne nouvelle, même si apiculteur­s et ONG s’inquiètent de la possibilit­é prévue par la loi Biodiversi­té de 2016 de dérogation­s au cas par cas, jusqu’au 1er juillet 2020. Selon le ministère de la Transition écologique, seul l’acétamipri­de devrait être concerné, et pour de faibles volumes. Mais avec la démission de Nicolas Hulot, «seul allié» des abeilles au gouverneme­nt, «qui défendra le principe d’une interdicti­on ferme des néonicotin­oïdes?», s’interroge l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf).

● D’autres risques subsistent

Dénonçant un «écocide» ,les apiculteur­s espèrent aussi que la version définitive de la loi Alimentati­on entérinera le principe de l’interdicti­on des substances ayant le même mode de fonctionne­ment que les «néonics», comme le sulfoxaflo­r – cette mesure vient d’être notifiée à l’UE, a voulu rassurer le gouverneme­nt vendredi. Mais il ne faut pas penser qu’en interdisan­t les néonicotin­oïdes, « on va sauver toutes les abeilles», souligne Axel Decourtye, directeur scientifiq­ue de l’Institut de l’abeille : « Il y a d’autres combats à mener de front », poursuit-il, citant maladies, frelons asiatiques ainsi que tous les autres pesticides. 1. Fédération nationale des syndicats d’exploitant­s agricoles. 2.Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail.

 ?? (Photo d’illustrati­on AFP) ?? Les néonicotin­oïdes sont interdits depuis hier. Mais les apiculteur­s pointent d’autres menaces pour la survie des abeilles.
(Photo d’illustrati­on AFP) Les néonicotin­oïdes sont interdits depuis hier. Mais les apiculteur­s pointent d’autres menaces pour la survie des abeilles.

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