L’atelier Acanthe montre de quel bois il se chauffe Série
/ Cette semaine, Var-matin vous amène à la rencontre de Toulonnais aux professions rares sous nos latitudes. Aujourd’hui, faites connaissance avec Jean-François Pancrazi, marqueteur
Qui rit au traçage, pleure au montage.» «L’ébénisterie, c’est de la jugeote. »« Ni vite, ni fort, mais longtemps.» Dans l’atelier Acanthe, Jean-François Pancrazi annonce la couleur. Celle du bois, travaillé avec passion et rigueur. À l’ancienne. Parce que son métier est ancien et qu’il traite de matériaux qui le sont tout autant. Le Toulonnais est, comme une toute petite poignée de Varois, marqueteur. Depuis 1996, il accueille ses clients juste derrière la résidence Sainte-Marie, au 175 avenue Sergent-Garbiel-Jourdan, dans un local dont on ne soupçonnerait pas l’existence. «Pour vivre heureux vivons cachés», s’amuse cet ébéniste spécialisé dans la restauration de panneaux décoratifs de pièces de bois précieux. Il explique, en effet, que son domaine est «un milieu feutré», que ses clients «préfèrent souvent rester discrets». Surtout, dit-il, «avant, je recevais des meubles avec lesquels on aurait pu acheter un petit appartement».
Reconversion
Des meubles, assure-t-il, qu’on retrouve maintenant dans des salles des ventes à des tarifs qui ne couvrent même pas la valeur des matières utilisées. À 58 ans, Jean-François Pancrazi est à l’apogée de son savoir-faire, qu’il améliore depuis sa reconversion d’électronicien à ébéniste en 1990. Pourtant, c’est aussi aujourd’hui qu’il gagne le moins bien sa vie. La faute, croit-il, à la société du jetable et du meuble en kit. «Avant, j’avais de la commande pour un an, voire un an et demi. Désormais, c’est plutôt trois semaines!» Sa passion ne s’est toutefois pas émoussée et il parle de son métier avec l’enthousiasme des amoureux. Son tablier de cuir attaché autour de la taille, alors qu’il vient de recevoir une table signée Jean-Baptiste Galet (ébéniste du XVIIIe) à remettre en état, le marqueteur cite les grands noms du design d’antan, revient sur l’histoire de sa spécialité.
Trop «vintage»
La sienne démarre en 1984, lorsqu’à 24 ans, il commence à restaurer du mobilier de manière autodidacte. «Depuis
tout jeune, j’aime le bois: j’étais scout marin et, à 11 ans, je travaillais sur de vieux gréements.» Mais c’est seulement à 30 ans qu’il prendra un congé de formation pour suivre les cours de l’École supérieure d’ébénisterie d’Avignon. Il y a appris à «faire le même geste qu’au XVIIIe siècle». Un geste qui désormais se perd. Car si la mode est au «vintage», on parle des années 1950 à 1970 plutôt que
des périodes phares de la marqueterie. Et surtout, parce que la rentabilité prend souvent le pas sur la tradition, les matériaux d’autrefois et l’art qui va avec disparaissent au profit de procédés plus rapides, moins classiques. «Ces savoir-faire devraient être classés au patrimoine!, lance Jean-François Pancrazi. Et moi, je me sens comme le dernier des Mohicans!»