Jean-Claude Silbermann, le peintre de Port-Cros
«Mon destin était tracé, mais seule la poésie me passionnait.» Membre du groupe des surréalistes avec André Breton, c’est la peinture qui l’a consacré. Sa vie, son oeuvre, mercredi au théâtre Denis d’Hyères
Les Rencontres de PortCros, initiées par l’association des Amis de l’île depuis quatre ans, s’intègrent cette année encore à la Semaine du patrimoine à Hyères. Outre la présence des auteurs Sylvain Tesson, Clarence Boulay et Sébastien Berlendis (lire par ailleurs) ,la journée de mercredi sera marquée par la projection du film de Jean-Claude Silbermann, à 18 h au théâtre Denis de Hyères. « J’ai voulu que ce soit un film documentaire sur mon travail, mais aussi une oeuvre de création », raconte le peintre poète port-crosien, dernier artiste à rejoindre la collection DVD Phare consacrée aux artistes surréalistes. Le film est financé par Aube Breton, la fille du poète écrivain. Mais qui est JeanClaude Silbermann ?
Un fils à papa. « En bon fils à papa, mon destin était tout tracé dans la chapellerie de mon père qui comptait cinquante employés et trois magasins à Paris », dit-il. Mais les chapeaux commençaient déjà à passer de mode dans les années 1960. Jean-Claude Silbermann fait une année de philo à l’université, « mais je m’emmerdais ». Pas bégueule, M. Silbermann père lui offre un appartement, une voiture et un salaire fictif dans l’entreprise familiale, l’équivalent du Smic de l’époque. Il aurait tant aimé que son fils embrasse une carrière “sérieuse”. « Grâce à lui, j’ai appris qu’un ordre n’est pas un ordre mais un début de discussion », dit Jean-Claude Silbermann, qui sera poète et artiste peintre.
Le dernier des surréalistes ? C’est en lisant Alcool et Caligramme d’Apollinaire que Silbermann a une révélation. Il clame “Je suis un surréaliste” à l’adresse d’André Breton
qui l’intègre au groupe. « Breton, Antonin Artaud, Benjamin Péret sont devenus mes lectures. C’était une autre façon de penser, la poésie me semblait être une langue étrangère que je comprenais et à travers laquelle je pouvais m’exprimer. J’ai été ravi et saisi par ça. » Dernier surréaliste vivant, Silbermann ne veut surtout pas être traité comme une archive. Il refuse qu’un écriteau soit apposé de son vivant au fronton de sa maison, dans le cadre des carnets de promenades
inspirées sur les sentiers de Port-Cros (disponibles sur l’île, 2 €). Une âme de révolutionnaire. Dans les cafés du mouvement, les discussions des surréalistes portaient sur la révolte (« La révolte seule est porteuse de lumière », selon Breton), la résistance contre la société
mercantile. « C’était un lieu magnifique de rencontres intellectuelles. Poésie, cinéma, pouvoir de l’inconscient, alchimie, sciences occultes : chacun avait des pôles d’intérêt différents. Certains avaient des activités révolutionnaires et l’influence du surréalisme est certaine sur mai 68 », avoue-t-il. Un artiste. « Après avoir été réformé de l’armée, je n’ai pas pu écrire pendant trois mois. Sur les conseils d’un de mes amis, le peintre Pierre Jaouen, je me suis mis au dessin. Mais je ne savais pas faire les fonds, j’utilisais de belles couleurs, comme un enfant. Alors, j’ai commencé à découper mes figures pour surmonter cette maladresse que je garde encore en moi. Moi, un artiste ? Ça me gêne. Ce statut est tellement valorisé que je le trouve un peu ridicule pour moi. Je suis un homme du commun, pas un artiste. Même si je n’ai fait qu’écrire et peindre, je n’ai rien d’un virtuose. » Ses oeuvres sont exposées au musée d’art moderne et contemporain de Genève, à Prague, Stockholm, Brest et au Centre Pompidou à Paris où son film autobiographique « Mais qui a salé la salade de céleri ? » a été projeté en mars dernier.
Un « que enseignant. deux ou trois N’ayant ans de vécu ma peinture, dans les années 80 », Silbermann a découvert le goût de la transmission, dans les écoles nationales d’art de Bourges, Nice, Limoges ou Cergy-Pontoise. « Mais je n’ai jamais enseigné le surréalisme car ce n’est pas enseignable », dit-il, amusé par son titre un rien pompeux de « artiste itinérant chargé d’expérience pédagogique ».
Un Port-Crosien. « Ma mère
est venue à Port-Cros depuis l’âge de 18 ans en 1929. Tous mes souvenirs d’enfance sont ici, d’abord au Manoir, puis dans la villa rose depuis 1950. » Une villa qu’il occupe toujours même si elle demande de lourds travaux de restauration. « J’aurais pu la vendre, mais j’y suis trop attaché ». C’est au rez-de-chaussée de la villa rose qu’est installé son atelier.