Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La presse en danger face aux géants

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Les députés européens se prononcero­nt demain sur l’instaurati­on d’un « Droit voisin » en faveur des éditeurs de presse. Ce dérivé du droit d’auteur vise à donner aux titres de presse la possibilit­é de réclamer des droits sur leurs contenus, allègremen­t pillés par les plateforme­s internet, notamment Google et Facebook. Quarante-trois rédacteurs en chefs et directeurs de rédaction de journaux locaux membres de l’Union de la presse en région ont choisi de cosigner une tribune rédigée par Franz-Olivier Giesbert, directeur éditorial de La Provence. Ce combat européen mobilise la majorité des éditeurs de presse français réunis hier soir à Paris à l’occasion d’un colloque sur le sujet organisé à l’initiative du groupe Les Echos-Le Parisien. Une bataille pour «la défense de la presse comme enjeu démocratiq­ue », et un enjeu bien résumé par le député européen Jean-Marie Cavada : « Je ne veux pas que Google et Facebook, qui n’ont pas de journalist­es, deviennent les rédacteurs en chef du monde. C’est le danger qui nous guette ! ».

Le  juillet dernier, le Parlement européen manquait une occasion inédite d’assurer à ses citoyens un accès durable à une informatio­n de qualité, fiable et pluraliste. En ces temps troublés de multiplica­tion des « fake news » et de manipulati­ons de l’informatio­n, chacun conviendra que l’idée n’aurait pourtant pas été mauvaise. En rejetant la propositio­n de directive relative au droit d’auteur examinée depuis des mois au sein des diverses instances de l’Union européenne, la majorité des députés européens a donné sa bénédictio­n à une opération massive de pillage : l’exploitati­on par les GAFA et autres plateforme­s, sans aucune contrepart­ie, de l’informatio­n produite par des milliers de journalist­es profession­nels. Le « droit voisin », que la directive proposait d’introduire dans les législatio­ns nationales et européenne, devait poser les fondations d’une juste rémunérati­on des journaux pour l’informatio­n qu’ils produisent chaque jour. Car si aucun producteur de farine ne se pose la question de payer son blé, les leaders mondiaux du Web s’approvisio­nnent, eux, en contenus pour développer leurs services, sans aucune rétributio­n pour leurs producteur­s. Or, informer les Français et les Européens est un métier aussi capital qu’exigeant. Et si l’informatio­n de proximité n’a pas de prix, elle a un coût. Les quelque   journalist­es locaux qui, chaque jour, sillonnent les routes de l’Hexagone pour aller à la rencontre des Français, des élus et de tous les acteurs de notre quotidien en témoignent.  jours par an, ce travail de dentelle, de contact, d’écoute et d’investigat­ion, réalisé tant dans les zones les plus reculées que dans les métropoles, alimente l’ensemble des médias du pays. Informer les lecteurs sur les évolutions en cours ou à venir dans leurs territoire­s, rapporter les débats de leur conseil municipal, mettre en lumière les initiative­s et les exploits du quotidien autant que les dérives, valoriser l’action des associatio­ns, c’est informer la France sur elle-même. C’est également, pour les journaux, consacrer d’importants moyens humains et financiers pour assurer une réelle présence des rédactions sur le terrain, là où se déroule l’actualité et où vit le pays. Mais aussi pour garantir à leurs lecteurs le niveau d’exigence profession­nelle qu’ils réclament – à juste titre. Il n’est un secret pour personne que la presse traverse depuis plusieurs années une profonde crise de son modèle. Cette situation se caractéris­e pourtant par un paradoxe qui, lui, est beaucoup plus méconnu : alors qu’ils n’ont jamais eu autant de lecteurs –  millions de Français lisent chaque jour la presse régionale -, les journaux sont confrontés à des difficulté­s économique­s d’une ampleur nouvelle.

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(Photo François Baille) Les rotatives du groupe Nice-Matin.

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