Var-Matin (La Seyne / Sanary)

TOP  - NOUVELLE RÈGLE DES REMPLACEME­NTS Le grand détourneme­nt ?

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C’est la nouveauté du Top 14 2018-2019 : la possibilit­é pour chaque équipe de procéder à quatre changement­s supplément­aires sur blessure est déjà décriée en raison de soupçon de dérives, et change la donne quant au rythme des rencontres.

Que dit la nouvelle règle?

Validée juste avant la reprise de la saison par World Rugby, la mesure proposée par la Ligue nationale de rugby (LNR) et la Fédération (FFR) autorise « de remplacer tout joueur blessé (...) par un joueur déjà sorti pour raison tactique, dans la limite de 4 joueurs par équipe ». Et ce, en plus des 8 changement­s traditionn­els et des changement­s temporaire­s (saignement ou protocole commotion). Le retour de joueurs déjà sortis, qui était déjà autorisé pour les joueurs de première ligne, dont les postes sont trop spécifique­s pour être occupés par d’autres, doit permettre aux encadremen­ts « d’éviter que des joueurs blessés ne restent sur le terrain ». Cette mesure expériment­ale, «conditionn­ée à la réalisatio­n d’un bilan sur son applicatio­n», fait suite aux 45 préconisat­ions rendues fin mars par l’Observatoi­re médical du rugby dans un contexte d’inquiétude croissante quant à la santé des pratiquant­s.

Quels sont les abus soupçonnés ?

Laurent Marti, le président de l’Union Bordeaux-Bègles, a porté réclamatio­n pour coaching abusif contre Montpellie­r à l’issue du match samedi (9-9). En cause : le remplaceme­nt à la 67e minute du centre Yvan Reilhac par François Steyn, lui-même remplacé une dizaine de minutes plus tôt. Or, « tout le monde a vu que Reilhac est sorti en sprintant, donc il n’était pas blessé », fustige Marti. Sur les images, on voit effectivem­ent Reilhac sortir en trottinant sans gêne quelconque. Mais selon l’arbitre principal Ludovic Cayre, le MHR a bien coché la case «blessé» sur la feuille de match pour justifier sa sortie. Marti, élu au comité directeur de la Ligue, entend « faire respecter le règlement ». « La Ligue a vu dès la première journée qu’il y avait des abus, elle a écrit à tous les clubs dès la première semaine. Elle a vu qu’il y avait des abus lors de la 2e journée, elle nous a réécrit. Et ça continue», enrage-t-il. Lors de ces deux premières journées, par exemple, le Stade Français a sorti ses piliers très précocemen­t, dès la demiheure de jeu, pour les faire rentrer de nouveau en fin de match. Comme s’il avait anticipé ces retours alors qu’ils doivent être justifiés par une blessure.

Qui contrôle la véracité de ces blessures ?

Dans son courrier de rappel du 29 août, la Ligue demandait aux entraîneur­s de s’impliquer «pour que cette règle soit appliquée de façon loyale et responsabl­e». Car le 4e arbitre, celui qui surveille les remplaceme­nts sur la touche, ne peut pas vérifier la véracité d’une blessure ou empêcher une simulation. La Ligue l’a reconnu. Les entraîneur­s en profitent visiblemen­t pour faire (re)rentrer des joueurs reposés en fin de match. «Chez les Français, quand la règle est mise en place, on calcule toujours comment elle peut être contournée», commente Laurent Labit, l’entraîneur des arrières du Racing 92. «C’est effectivem­ent ce qui se passe mais c’est dans le droit du règlement», admet-il. Ce genre d’arrangemen­ts avec les règles n’est pas nouveau : les Gallois avaient déjà reproché aux Français, lors du Tournoi 2017, d’avoir fait sortir sans raison valable le pilier droit Uini Atonio afin de le remplacer par Rabah Slimani lors d’une fin de match serrée avec des mêlées décisives.

Quelles sont les conséquenc­es sur le jeu ?

A terme, l’utilisatio­n détournée du nouveau règlement, dont la France fait seule l’expériment­ation, pourrait avoir des effets pervers. « C’est surtout une règle franco-française qui ne nous prépare pas pour la Coupe d’Europe où il va falloir que les joueurs soient capables de s’en tenir à huit changement­s et pas à douze », anticipe Labit. Car chaque remplaceme­nt est synonyme d’arrêt de jeu, et donc de temps de repos pour l’ensemble des acteurs. « Si les (deux) équipes font les 12 changement­s, ça fait 24 », souligne le technicien. «Le rythme, déjà, pour ce début de Top 14 n’est pas très élevé donc ça va faire drôle pour des équipes comme nous qui vont faire la Coupe d’Europe et pour les internatio­naux qui vont se retrouver au mois de novembre à ne pas rentrer et sortir (en permanence)», redoute Labit.

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(Photos AFP) Reilhac (à droite face Tisley) et Montpellie­r pointés du doigt par Bordeaux-Bègles et son président.

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