Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Western : Jacques Audiard dégaine un chef-d’oeuvre

- PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr

LES FRÈRES SISTERS

De Jacques Audiard (France). Avec Joaquin Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllenhaal.

Durée : 1h57 . Genre : western. Notre avis :

L’histoire

Dans l’Ouest sauvage, Charlie et Elie Sisters sont chasseurs de primes. Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer : c’est leur métier. Charlie (Joaquin Phoenix), le cadet, est né pour ça. Elie (John C. Reilly), lui, rêve d’une vie plus normale. Ils sont engagés par le Commodore pour tuer un homme dont un détective privé (Jake Gyllenhaal), également appointé par le Commodore, a retrouvé la trace. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence…

Notre avis

Palmé (en 2015 pour Dheepan, sans doute son film le plus faible), multicésar­isé et considéré, urbi et orbi, comme le plus grand réalisateu­r français vivant, Jacques Audiard (Sur mes lèvres, Un prophète, De rouille et d’os…) remet sa couronne en jeu avec un premier film « américain ». Qui plus est, un western ! Il faut sans doute un sacré courage ou une bonne dose d’inconscien­ce, lorsqu’on se prénomme Jacques et qu’on est né au pays du fromage, pour aller se frotter à un genre que des John Ford, Hawks Peckinpah, Fuller, Eastwood et autres frères Coen ont marqué de leur empreinte de manière indélébile. Ou sinon, du talent. Beaucoup de talent. Avec Les Frères Sisters, Audiard confirme qu’il en a énormément et que sa réputation n’est pas usurpée. Le film est un chefd’oeuvre du genre. À la fois parfaiteme­nt classique dans sa mise en scène (« à la John Ford ») et son scénario (une classique chasse à l’homme sur fond de ruée vers l’or), et totalement moderne dans ses thèmes (fratrie, violence, modernité, écologie) et leur traitement (ah, cette B.O jazz !). Le réalisateu­r français y fait table rase de tout ce qu’on pouvait reprocher à son cinéma : une certaine fascinatio­n pour la violence, une propension à la gonflette et un goût immodéré du mélodrame. Aucune figure obligée du genre n’est oubliée et pourtant, la violence reste hors champ, les rapports humains sonnent juste, aucune emphase inutile ne vient relativise­r le plaisir qu’on y prend. Comme le suggère son joli titre, ce western est d’une délicatess­e presque féminine. Audiard et ses trois acteurs vedettes instillent un peu de douceur inattendue dans ce monde de brutes épaisses. Qu’ils en soient remerciés ! Prix de la mise en scène à Venise, Prix du 44e anniversai­re à Deauville, Les Frères Sisters font désormais route vers les Oscars. Ils méritent de décrocher la prime !

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