« J’ai l’impression d’être une mauvaise mère »

Suzanne () a accouché en prison en . Elle avait  ans. «Ma fille a été une bouffée d’air frais dans ma détention. Avec elle à mes côtés, je pensais pouvoir mieux m’adapter au système carcéral. Je vivais au jour le jour pour ne pas penser à la séparation. A ce moment où on me l’enlèverait. J’appréhendais… On vivait toutes les deux dans une cellule aménagée près de l’infirmerie. J’avais des promenades, du personnel qui venait la voir. Je parlais beaucoup avec elle. C’est moi qui lui donnais ses biberons, son bain. Personne ne la touchait. Elle a dit ses premiers mots en prison. C’est là qu’elle a appris à marcher. Parfois, je me disais qu’elle serait peut-être mieux dans un jardin à jouer à la balançoire. Mais j’étais avec elle et le soir, je m’endormais en regardant son visage. Le jour est venu…. On me l’a arrachée des bras. C’est comme si on m’avait arraché un bras. C’était très dur à vivre. Je ne savais pas où ils avaient emmené ma fille. C’était une souffrance de tous les jours et ça l’est encore. La culpabilité, l’impression d’être une mauvaise mère et le manque d’elle… C’était un déchirement. J’avais encore des années à faire, il fallait que je me fasse une raison. Je n’ai jamais réussi... A ma sortie, j’ai recherché ma fille. J’avais eu d’autres enfants avant, j’en ai eu d’autres après. Mais, avec elle, ça reste fusionnel. Je lui ai demandé pardon. Je me dis, j’espère: elle avait un an, elle ne se souvient pas. Mais moi, je n’arrive pas à oublier. J’ai toujours ce remords d’avoir commis des faits qui m’ont amenée à faire naître mon enfant en prison. » (1) Le prénom a été modifié.