La sécurité à Berthe divise les élus
Quinze jours après le double meurtre commis dans le quartier, le sujet a divisé les élus, hier. Des opposants allant jusqu’à affirmer que la majorité est responsable de la dégradation de la situation
Chacun s’attendait à ce que le sujet retentisse durant la séance publique du conseil municipal. Les élus se réunissaient en effet pour la première fois depuis le double meurtre commis à Berthe le 10 septembre. Et ça n’a pas manqué : durant près de 2 h 30, les élus ont débattu de la situation que connaît le quartier depuis plusieurs semaines. Le point de départ: l’approbation du règlement intérieur du centre culturel Tisot, situé à proximité immédiate de la dernière scène de crime. Eric Marro, élu en charge de la culture, a en effet profité de l’occasion pour revenir sur le report de l’inauguration du centre, qui devait avoir lieu samedi dernier. « Cette décision a été prise suite au travail d’écoute des gens du quartier, mené par les associations en charge de la prise en charge psychologique, suite au traumatisme vécu. Il est alors apparu comme une nécessité sociale de reporter cette journée festive, afin de respecter le temps de deuil des familles. »
« Plateforme régionale du trafic de stupéfiants »
Jean-Pierre Colin (opposition LR/UDI) a été le premier à déclencher les hostilités : « Sommes-nous condamnés à attendre que les voyous cessent leurs activités pour inaugurer Tisot ? » Et d’affirmer, dans la continuité, « que le quartier est devenu une plateforme régionale du trafic de stupéfiants ». Marc Vuillemot lui rétorque que « la décision du report est liée à la concomitance des événements et au fait que le dernier drame a eu lieu très proche de Tisot. Là où sont morts les jeunes, des bouquets de fleurs sont apportés tous les jours ». Le maire donne toutefois raison à cet opposant sur un point : «Depuis peu, le trafic de stup’ est passé à la vitesse supersonique, avec très probablement des conflits de territoire entre dealers qui veulent avoir le monopole du marché, s’attaquent aux “concurrents” et terrorisent la population.» Face à cela, redit-il, «il faut les moyens pour reconquérir le territoire. À cet égard, je pense que le Premier ministre (qu’il a rencontré la semaine dernière, Ndlr) est bien conscient de la nécessité de renforcer très vite les moyens dédiés à la police, en effectifs et en matériel. J’espère aussi que le ministre de l’Intérieur, qui viendra prochainement, sera en mesure d’annoncer que nous pourrons être ajoutés à la liste des sites qui seraient labellisés “quartier de reconquête républicaine” fin 2019».
« La complaisance des élus »
Dans la foulée, Virginie Sanchez (opposition, sans étiquette) a exprimé sa « tristesse de voir des jeunes mourir pour rien » et son « exaspération parce que, depuis des années, nous disons qu’il y a un petit groupe de vermine qui fait la loi dans le quartier». Même tonalité pour Nathalie Miralles, qui s’est exprimée « au nom de Joël Houvet (Debout la France) », absent, déclarant notamment que « les résidents de Berthe sont las d’apercevoir des véhicules de police patrouiller sans rien dire, las de constater l’inaction des responsables de l’office HLM, las de la complaisance des élus beaux parleurs que l’on ne voit jamais en ces lieux à partir de 18 h et qui ne font rien ». « Faux, réplique le maire, nous sommes dans tous les quartiers, et moi le premier. J’ai travaillé toute ma carrière (d’enseignant) à Berthe. Et je ne regrette pas le choix de mon prédécesseur qui a engagé le plan de rénovation urbaine qui a permis de démolir des lieux où, déjà, le trafic s’enkystait. Si cela n’avait pas été fait, la situation serait encore plus grave aujourd’hui. Beau parleur? Je plaide sans cesse auprès de l’État, à tous les niveaux et sur tous les tons, pour que le territoire soit doté des moyens de répression et de prévention. Et les policiers réalisent des opérations de flagrant délit avec les moyens dont ils disposent. Mais dès qu’ils repartent, d’autres s’installent... La situation est suffisamment grave pour ne pas l’utiliser à des fins politiciennes.» Peine perdue, Jean-Pierre Colin et Sandra Torres reprennent la parole pour critiquer « les choix de la majorité, qui n’a pas augmenté le nombre de policiers municipaux ces dernières années ».« Nous avons modernisé leur équipement, répond Marc Vuillemot. Et vous nous dites sans cesse qu’il y a trop de fonctionnaires municipaux… »
« Redonner de l’espoir dans les cités »
Damien Guttierez (opposition, sans étiquette) pointe, lui, «la responsabilité du bailleur social, qui n’a pas doté le parc HLM de gardiens d’immeubles permettant de faire du renseignement et de la surveillance». Dans la majorité, on élargit le débat : « Le plan de rénovation urbaine visait aussi à désenclaver le quartier, à l’ouvrir, pour créer de meilleures conditions d’insertion pour les gens en recherche d’emploi. Or la problématique du transport, qui est du ressort de la métropole, n’a pas encore abouti », souligne Rachid Maziane, adjoint en charge des solidarités sociales. Christian Barlo, adjoint en charge des sports, estime que « l’insécurité est liée à la situation sociale qui amène certains, très minoritaires, à basculer dans le milieu du trafic. Il faut redonner de l’espoir dans les cités ». Propos approuvé par son collègue Robert Teisseire (PCF). On le voit, chacun aura tenté d’apporter ses explications et ses solutions. « Beaucoup se sont aussi fait plaisir », estime l’adjoint à la sécurité, Claude Astore. Et même si la tentation “politicienne” était parfois sous-jacente, le débat aura eu le mérite d’avoir lieu. «Les gens n’auraient pas compris que l’on n’en parle pas, estime Marc Vuillemot. Et malgré les divergences, on est tous d’accord pour dire qu’il faut plus de policiers et qu’il faut créer les conditions d’accompagnement, d’insertion professionnelle et d’accès à l’emploi pour inverser la tendance. »