Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Châteaudou­ble : le terrain de foot comme terre d’accueil

L’arrivée de 72 réfugiés avait suscité quelques craintes. Force est de constater que les choses se déroulent sans accrocs. À l’image de ces matchs entre migrants et jeunes Casteldoub­lains

- MATTHIEU BESCOND mbescond@nicematin.fr

A «llez les gars, allez ! Ça joue ! Vas-y, passe ! Ouais, faciiile ! » Samedi, les sourires étaient de rigueur sur le petit terrain de foot synthétiqu­e de Châteaudou­ble. De la bonne humeur certes, mais du jeu aussi. Si les tranches de rigolades vont bon train, on ne lésine pas pour autant sur l’objectif premier: mettre le ballon dans les filets. Droit au but. Ils sont une petite quinzaine en tout. Avec, pour moitié, des jeunes du village. Et pour l’autre, une partie des migrants accueillis au sein du centre d’accueil et d’orientatio­n (CAO) géré par l’associatio­n Forum réfugiés. L’ambiance est au beau fixe. La barrière des langues saute. Les différence­s culturelle­s aussi. Seule règne la culture du sport, du foot. Universell­e. Belle.

Créer du lien...

« Ici, c’est notre terrain de jeu ! lance Mathis, jeune Casteldoub­lain de 21 ans (lire ci-dessous). On vient ici depuis tout petit. » Depuis peu, de nouveaux joueurs se joignent à eux. Ils s’appellent Fodé (1), Mamadou, Fofana. Ils sont Guinéens, Soudanais, Irakiens, Burkinabai­s, Libyens, Afghans… Tous réunis autour du ballon rond. L’initiative est partie d’Elie, autre Casteldoub­lain. Lui a 20 ans. Il vient de s’engager en contrat civique dans le CAO. Sa mission ? « Créer du lien entre les habitants du village et les réfugiés », précise-t-il. En quête de voie profession­nelle, l’humanitair­e lui trottait dans la tête depuis quelque temps. « Alors, quand j’ai vu qu’un centre d’accueil ouvrait ici, j’ai postulé. Je suis sensible au fait d’aider les gens quand je le peux. J’estime que c’est normal de donner de mon temps. » Un soir, quand il voit que les jeunes s’ennuient un peu au centre, il leur propose d’investir son ministade.

... et du partage

Son terrain de jeu sur lequel il joue au ballon depuis toujours. « Ils ont tout de suite accroché. Le deuxième soir, on était 18, se réjouit-il. Certains n’ont joué au foot que deux fois dans leur vie, mais peu importe, on s’éclate tous. » Quant aux parcours, aux vies compliquée­s de ces citoyens du monde, il évite d’aborder le sujet avec eux. « C’est délicat. Compliqué. » Ça ne les empêche pas pour autant de discuter. « Fodé me fait par exemple partager la musique qu’il écoute. On échange. On se confronte à leurs différente­s cultures. » Et ils « tapent dans la balle » donc. Parce que malgré les différence­s, « ces jeunes jouent au foot comme tout le monde» lance-t-il avec évidence. Sur le terrain, tout le monde a le sourire. Torses nus, les casquettes vissées sur le crâne pour certains, ça joue sérieuseme­nt. Des réfugiés arborent même des t-shirts de grands joueurs, à l’image du numéro 17 du footballeu­r internatio­nal portugais Nani. Autour du petit stade du plateau de Sainte-Anne, les joueurs ont leur public. « Ça fait trois fois que je viens les voir, lance ce Casteldoub­lain, accoudé aux barrières du terrain. Ce genre de rencontres, c’est bien pour tout le monde. Je jouerais bien avec eux, mais je suis un peu trop vieux », sourit-il. Et cette autre habitante du village de se réjouir de « voir un peu d’humanité pour ces jeunes si loin de chez eux». Elle a d’ailleurs participé à une récente réunion organisée par Forum réfugiés avec les habitants qui souhaitent aider ces jeunes dans leur quotidien. « Certains ont proposé leurs services pour des activités de randonnées, des cours de langues, des ateliers de peinture ou de musique..., confirme Elie. Cela va se mettre en place progressiv­ement. Ils sont ici de façon temporaire, mais il faut bien qu’ils s’occupent... Qu’ils vivent ! » 1. Le prénom a été changé.

« Cela se passe très bien ! »

Si Georges Rouvier, le maire du village, s’était montré un peu inquiet à l’annonce de l’arrivée très rapide de réfugiés sur sa commune, il semble aujourd’hui rassuré. « Je suis passé quelques soirs les voir jouer, confie-t-il. Ils ont l’air d’être bien tous ensemble. Les réfugiés semblent trouver un peu de bonheur avec des jeunes de leur âge. Et puis ça permet aussi aux Casteldoub­lains d’échanger avec eux, pour se rendre compte de ce qu’ils vivent. Je suis content de voir que tout se passe bien !»

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(Photos Dylan Meiffret) Au centre, Elie, jeune Casteldoub­lain à l’origine de ces rencontres.

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