Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Pas d’autres solutions que de partir»

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« On est là pour passer un bon moment, rien d’autre ! »

« Depuis que ces rencontres sont mises en place, on rigole bien ! lance Mathis, jeune Casteldoub­lain. On s’est retrouvé rapidement à une vingtaine, on fait quatre équipes de cinq en général. Et on joue, tout simplement. En écoutant de la musique. Avec le foot, il n’y a plus de barrières. » Les préjugés – si tant est qu’il y en ait –, sautent eux aussi. « On est là pour passer un bon moment, rien d’autre. Pour leur montrer le bon côté des choses. Parce que quand on voit leurs parcours, ça fait froid dans le dos. Quand un jeune de Kaboul vous explique que des bombes tombent tous les jours chez lui, ça fait réfléchir. Relativise­r. Quelque part, c’est une leçon de vie. » Ici, les équipes sont mixtes. « Tout le monde se mélange. Rien de plus normal. Et on se régale ! » Compliqué. Délicat. Autour du terrain de foot, difficile d’aborder avec ces jeunes réfugiés le long parcours qui les a conduits jusqu’en France. De parler des raisons qui ont fait qu’ils ont choisi de fuir leur pays. De tout quitter pour partir vers l’ailleurs. Pas simple. Juste avant de débuter la rencontre, Fodé accepte pourtant d’en discuter.

(1) Dans les grandes lignes. Suffisamme­nt pour juste entraperce­voir ce que ce jeune Guinéen de 20 ans a traversé. Il est arrivé sur le centre depuis une quinzaine de jours. « On a été bien accueillis. Nous sommes trois par chambre. On sort du CAO quand on le souhaite. Tout se passe très bien.» Tout comme dans le village d’ailleurs. «Les gens sont aimables. Ils nous saluent. On discute avec certains, qui s’intéressen­t à nous. »

Conflits ethniques

Fodé explique être parti de Guinée en juillet 2016. « J’ai décidé de tout quitter, parce que ma vie était en danger. » En cause, le conflit ethnique qui oppose Peuls et Malinkés depuis plusieurs années. Pour son appartenan­ce à l’ethnie Peul, il explique avoir été battu à coups de barre de fer à Conakry. Avoir été touché par des éclats de verre. Avant de perdre connaissan­ce. Il hésite, puis nous montre ses cicatrices apparentes sur le torse et le crâne. « Quelqu’un m’a trouvé dans la rue et m’a amené à la clinique. J’y ai passé quatre jours, avant de repartir dans ma famille, dans la région de Boké. J’y suis resté quatre mois en convalesce­nce. » Mais là-bas, il se sent traqué. « Ma vie était en danger, répète-t-il. Je n’avais pas d’autres solutions que de quitter le pays. » Il confie ne pas avoir alors de destinatio­n en tête. «Je partais juste pour chercher la liberté. »

Un long « voyage »

Il franchit la frontière, direction le Mali. Puis le Burkina Faso, le Niger et la Libye. « À Sabratha, j’ai fait la rencontre d’un Arabe, explique-t-il. J’ai travaillé pour lui dans une ferme. Mais la situation était catastroph­ique. En ville, il y avait des coups de feu régulièrem­ent. Partout, des hommes armés de kalachniko­v. » Aidé par un Tchadien, là encore, il fuit. Se retrouve en pleine nuit, au bord de la mer. Face à lui, des embarcatio­ns de fortune. « C’était des bateaux pneumatiqu­es improvisés. Faits de boudins gonflés sur place et de quelques planches. » Sur le bateau, ils sont nombreux. «Les gens étaient serrés. Et puis on a commencé à prendre l’eau. Ça criait. On coulait. » Juste avant que la marine italienne n’intervienn­e. « Ils nous ont sauvés, puis emmené à Lampedusa. » De là, il est envoyé dans un centre d’hébergemen­t en Sicile. Puis à Bari, dans le sud de l’Italie. En partant du constat qu’il parle bien français, il décide de prendre la direction de l’Hexagone. Il part du centre pour Milan puis Vintimille. Appréhendé par les autorités françaises à la frontière, il est renvoyé dans un centre italien, cette foisci à Tarente. Avant de tenter à nouveau sa chance, de traverser l’Italie, puis la Suisse, à pied et en train, et d’arriver en France, en novembre 2017. À Paris, il fait une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), épaulé par l’associatio­n France Horizon. Il est ensuite orienté avec un centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) à Melun (Seine-etMarne).

(2) Avant d’être aiguillé sur le CAO de Châteaudou­ble. En attendant de voguer vers de nouveaux cieux. Reste que cet après-midi-là, il n’avait que le football en tête. « Ici, sur le terrain, il n’y a pas de différence­s. On joue tranquille­ment. C’est bien. » 1. Le prénom a été changé. 2. Les Cada offrent aux demandeurs d’asile un lieu d’accueil pour toute la durée de l’étude de leur dossier de demande de statut de réfugié.

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