Les secrets du jardin
En plein Mondial de l’auto et au moment choisi par Christian Estrosi pour annoncer l’édition 2019 du GP de France, Renault nous a ouvert les portes de son usine située près d’Oxford et installée au coeur d’une véritable « Silicon valley» de la F1
De notre envoyé spécial à Enstone Laurent SEGUIN
En apparence tout est bien calme. Reposant comme l’un de ces innombrables jardins croisés au bord de ces petites routes du Nord-ouest de l’Angleterre qui, ce jour-là, nous conduisent au coeur de la très paisible région de l’Oxfordshire. Une région où l’on ne soigne pas seulement les jolis gazons anglais, mais où l’on cultive aussi l’excellence industrielle puisque, comme Renault F1, Mercedes, Red Bull, Williams ou encore Force India et bien sûr McLaren ont tous choisi de prendre racines au beau milieu d’une campagne finalement bien moins tranquille qu’elle n’y paraît... Et ça tombe plutôt bien car, après tout, nous n’avons pas pris deux avions, puis mis deux bonnes heures pour sortir du tumulte londonien, pour en arriver au seul constat que l’herbe est plus verte chez nos voisins. Tout anglais soient-ils... Non, c’est bien la découverte du très secret camp de base de l’écurie française qui nous amène ce jour-là à Enstone où, surprise, nous ne rencontrons ni molosses, ni portiques de sécurité mais en restons quittes pour un simple portail tout aussi discret que le timide logo « Renault F1 ». Un portail que nous franchissons avec une étonnante facilité.
« On aurait pu vous enfermer ici six mois »
Et pourtant derrière tout ce flegme parfaitement britannique, Renault a beaucoup à cacher. C’est en effet ici que se joue quotidiennement la réussite des monoplaces de Carlos Sainz et Niko Hulkenberg sur les circuits du championnat du monde de F1. Et c’est ici aussi que près de 700 personnes se penchent déjà sur celle dans laquelle Daniel Ricciardo s’installera le 23 juin prochain dans le Var pour le Grand Prix de France 2019. Une monoplace que les équipes de Renault F1 ont bien pris soin de nous cacher, le sourire souvent plein de malice au coin des lèvres. «Il est très rare de rentrer ici et selon ce qu’il y avait dedans, on aurait pu vous demander de rester enfermer ici six bons mois » s’amuse le responsable de la soufflerie dans laquelle prennent place des répliques de F1 au format 3/5e et dont un exemplaire est soigneusement bâché. Il faut dire que les enjeux sportifs et industriels sont à la hauteur des moyens déployés et que l’on parle ici d’un budget annuel de 300 millions d’euros. Alors forcément, si l’on se pique régulièrement les ingénieurs débauchés chez les voisins, on imagine aisément que leurs idées intéressent aussi grandement, dans un secteur où l’espionnage industriel est légion. « On n’espionne pas, on observe » sourit la responsable du design des châssis, boîtes de vitesses et des quelque 14 500 pièces qui composent les bolides et qui nécessitent 150 000 heures-hommes de travail et près de 19 000 dessins.
«On n’espionne pas, on observe »
Pleine de malice, Mary incarne, du haut de ses 35 ans tout au plus, la diversité et la jeunesse des troupes croisées à Enston. «Le fait que nos équipes soient jeunes, c’est aussi le fait que l’on soit en pleine reconstruction» explique le responsable des plannings du bureau d’études, François Champod. Un Français comme on en trouve tant d’autres, à l’image d’Antoine Brissat, jeune ingénieur responsable d’un simulateur qui pourrait faire pâlir les pourtant si blêmes geeks, adeptes de jeux en réseau. «C’est une version issue du fameux jeu vidéo, mais disons qu’elle est un peu particulière s’amuse le jeune Toulousain devant les immenses écrans d’un rayon de quatre mètres face auxquels les pilotes s’installent quotidiennement. Le simulateur n’est, contrairement à ce que l’on pense, pas là pour les faire s’entraîner mais pour faire progresser la voiture ». Un outil devant lequel le jeune pilote français Victor Martins s’assoie régulièrement, en attendant de piloter une vraie F1. Mais pour ça, il annonce avoir le temps. Oui, il faut croire que la tranquillité de la campagne anglaise a du bon.