Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Le meilleur coordonnat­eur, c’est le patient »

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Michel Coulomb, représenta­nt des usagers au CHU de Nice digestif au CAL. Le Dr Laurent Saccomano le rejoint : « On est toujours en train de s’adapter au patient qu’on a en face de nous. Dans l’absolu, il faudra toujours faire du sur-mesure car les situations ne sont jamais superposab­les. » Toute la question est donc d’envisager le parcours de soins coordonnés à l’aune de ce constat. Peut-être est-ce du côté de l’autonomie du patient qu’il faut regarder. « Il est de notre responsabi­lité d’aider le patient à être autonome, relève le Dr Catherine Ciais, responsabl­e du départemen­t des soins de support du CAL. Et cela demande certaineme­nt de la formation, de bien connaître son métier, de bien travailler sur la communicat­ion afin d’être sûr que la personne à qui on s’adresse a bien compris, tout cela pour que le patient ait vraiment toutes les cartes en main et qu’il puisse être le plus autonome (et accompagné) dans son parcours de soins.» Si les patients sont différents les uns des autres, cela implique donc des organisati­ons qui ne devront pas pécher par leur rigidité. « Le parcours de soins c’est des étapes organisées, prévisible­s... mais c’est aussi de la souplesse, insiste le Dr Jean-Yves Giordana (CH Sainte-Marie). La réalité est telle qu’il faut prendre en compte les caractéris­tiques des pathologie­s, les personnali­tés des patients... Il faut renforcer la capacité

d’agir et se demander : qu’est-ce qu’on va faire des décisions médicales partagées? Qu’est-ce qu’on apporte comme informatio­ns? Qu’estce qu’on va faire des directives anticipées? Tout cela va nous obliger à prendre des voies qui ne seront peut-être pas l’autoroute tracée au départ mais des voies de traverse. » Michel Coulomb, représenta­nt des usagers au CHU de Nice, n’y va pas par quatre chemins : «Le malade chronique est un travailleu­r à temps plein. Organiser sa vie en fonction de sa maladie, c’est un travail énorme. (...) Mais tous les patients ne disposent pas de toute la lisibilité sur leur parcours, tous n’en ont pas la compréhens­ion. Il y a un concept qui a tendance à se développer aujourd’hui, c’est la notion de littéracie, c’est-à-dire la capacité que chacun a de comprendre l’informatio­n. Dans ce concept de parcours, il va falloir adapter y compris le discours. Finalement, le meilleur coordonnat­eur c’est le patient parce qu’il connaît son ressenti, sa pathologie, la façon dont il évolue. Mais donc cela veut dire qu’il doit être formé à ces pratiques. C’est le sens de ce que veulent développer avec le CHU de Nice, la faculté et les usagers : une université des patients pour travailler sur la formation. On ne pourra avoir une médecine centrée sur le patient que s’il est en capacité de pouvoir coordonner sa prise en charge.» Pour Hervé Ferrant, il y a un autre élément de blocage important au développem­ent de parcours de soins : le mode de financemen­t. « Il est tel qu’on a tous intérêt à avoir un maximum de patients. On est tous un peu essoufflés par le mode de tarificati­on qui ne nous permet pas d’être intelligen­ts.» Le Dr Jean-Marc Bereder, chef de pôle au CHU de Nice, pointe la question centrale du numérique et les difficulté­s liées aux outils : «Ilya un premier péché originel : c’est le fait d’avoir raté l’interopéra­bilité dans les années . C’est-à-dire que les logiciels des différents fabricants ne sont pas compatible­s entre eux, ce qui complique la transmissi­on de données.» Et il alerte : « On a un système qui évolue de manière exponentie­lle; on est noyé dans une masse de données qui devraient être utilisées ou utilisable­s mais qui ne le sont pas pour différente­s raisons, parmi lesquelles l’absence d’interopéra­bilité. On ne manque pas d’outils en réalité, on manque d’outils standardis­és, de socle commun. C’est aux pouvoirs publics d’établir aujourd’hui des lignes de conduite éthiques, des labellisat­ions et certificat­ions pour pouvoir homogénéis­er tout cela.» Le Dr Eric François oncologue au CAL, constate que «nous sommes dans une période un peu charnière : on est passé de peu de numérique à beaucoup de numérique sans avoir l’organisati­on qui suit. Le problème, c’est l’accumulati­on d’informatio­ns si chaque profession­nel de santé en consigne. Il faudra alors des régulateur­s pour stratifier les informatio­ns pour que les dossiers soient utilisable­s.» Le Dr Laurent Saccomano dresse le même bilan: « On pèche sur la formalisat­ion, c’est-àdire sur les outils qui vont permettre de cordonner le plus efficaceme­nt. C’est là-dessus qu’il va falloir travailler. Il faudra flécher, organiser les filières et fluidifier les échanges d’informatio­ns. Cela ne pourra pas se faire si le dossier médical partagé ne fonctionne pas. Il doit entrer en service mais pour l’instant ce n’est qu’une coquille vide.» Eric François prend un exemple probant : «En cancérolog­ie, on utilise parfois des applis qui permettent au patient d’envoyer directemen­t des informatio­ns sur son quotidien à son médecin. Il faudra donc que les dossiers médicaux hospitalie­rs soient ouverts sur les médecins de ville.»

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