Cité Berthe : une tour devenue infernale
Face à des conditions de vie indignes, une poignée d’habitants se sont invités chez leur bailleur social. Situé dans la cité Berthe, leur immeuble en déliquescence… est aussi un gouffre financier
Certains sont là depuis trente ans. D’autres comptent sur quelques doigts, le nombre d’années passées ici. Mais tous ont en commun de vouloir partir. Le plus vite possible. Lundi matin, une demi-douzaine de locataires de la tour du Gère sont venus dire leur désarroi – et leur colère – à leur propriétaire, le bailleur social Terres du Sud Habitat (TSH). Située dans le quartier Berthe, la tour A4 est la dernière à rester debout ; les autres du Germinal ont été démolies.
Inextricable
Échec cinglant des tentatives de réhabilitation malgré l’argent public qui y a été dépensé, cette tour emblématique est devenue un fardeau inextricable. Seuls les dealers en tirent profit, eux qui tiennent la place malgré les tentatives de la police d’y intervenir massivement (notre édition du 20 octobre). Parking extérieur et hall d’entrée sont occupés par un réseau de vente de drogue. Le deal s’organise dans les parties communes. En juillet dernier, un appartement nourrice avec provision de stups était débusqué dans cette tour fantôme.
Vivre sur place
Comment vivent les derniers locataires de la tour du Gère ? On n’ose pas employer l’expression qualité de vie, tant les conditions d’existence sont difficiles. Il reste une vingtaine de foyers installés dans la tour, sur une soixantaine à l’origine. Les autres logements
sont vides, murés. L’ensemble est terriblement délabré, malgré une réhabilitation qui n’a même pas dix ans. « L’immeuble était correct, ordinaire. Comment il y a eu ce dérapage ? C’est un abandon », s’inquiète un ancien. Le bâti a plié devant trop de dégradations volontaires. Certains sont anxieux quand vient la pluie, parce que l’eau s’écoule depuis le toit, et un dôme régulièrement cassé. « Ça tombe dans les
escaliers, ça s’infiltre et ça pleut chez les gens» , dénonce une
(1) locataire plus récente, qui doit sortir les seaux quand le plafond goutte. « On dirait que la tour va tomber, assure une autre. Les ascenseurs ne marchent pas, on doit monter avec les poussettes, les bébés, les courses… » Seize étages à pieds ne sont pas une bagatelle. Les poubelles renversées au sol par les dealers (pour freiner l’arrivée
de la police) entretiennent la présence de rongeurs. « Des souris passent dans la chambre, je dors dans le salon », témoigne une habitante, pourtant au 15e. « On ne veut pas passer l’hiver ici, pas avec les enfants. On n’a même pas d’eau chaude toute la journée », poursuivent les locataires. Bienvenue dans l’enfer du Gère.