Bébés sans bras : la lanceuse d’alerte bientôt licenciée ?
Depuis des semaines, elle est celle qui incarne la polémique autour des « bébés sans bras ». Emmanuelle Amar, épidémiologiste, travaille au registre des malformations de la région Rhône-Alpes, le Remera. C’est son acharnement qui a conduit à ce que l’histoire de ces 14 cas d’« agénésie transverse desmembressupérieurs »(1)recensésdans les départements de l’Ain, de Loire-Atlantique et du Morbihan entre 2007 et 2014, sorte enfin au grand jour. Car pendant longtemps, le témoignage de Mme Amar est resté dans les tiroirs. Aujourd’hui, l’affaire a pris une ampleur nationale et conduit la ministre de la santé Agnès Buzyn à ordonner le lancement d’une nouvelle enquête sous l’autorité de l’Anses (2). Emmanuelle Amar et son équipe sont, eux, sous la menace d’un licenciement. Hier, la lanceuse d’alerte a eu l’occasion de s’exprimer devant les députés membres du groupe de travail « santé environnement », coprésidé par l’ancienne ministre Delphine Batho. Elle a rappelé aux députés qu’il était « extrêmement rare » d’observer trois cas de concentration de malformations supérieurs à la moyenne en trois endroits différents. Endroits dont le seul point commun est d’être constitué de plus de 40 % de terres agricoles et donc d’être potentiellement exposé aux pesticides utilisés en agriculture.
Critiquée par sa hiérarchie
Mais au-delà des faits, c’est le silence de sa tutelle qui a conduit l’épidémiologiste à s’interroger :« Fallait-il attendre que les données que nous faisions remonter soient exploitées, alors que rien ne se passait, ou fallait-il agir ? » Emmanuelle Amar décide alors d’agir. «Et c’est là que les ennuis ont commencé », indique-t-elle. Critiquée par sa hiérarchie pour ses méthodes et remise en cause par certains au sein de l’Inserm (3), l’un de ses bailleurs de fonds, l’épidémiologiste a reçu un accueil plus bienveillant de la part des députés. « Nous veillerons à ce que la procédure de licenciement qui vise Mme Amar et son équipe soit annulée » ,a ainsi prévenu Delphine Batho. La députée des Deux-Sèvres s’est également interrogée sur le silence des autorités sanitaires jusqu’à présent : « De quoi a-t-on peur ? Dès lors qu’on a trois territoires sur lesquels apparaît un nombre anormal de cas de malformation d’enfants, on doit chercher à comprendre ce qui se passe. Et si le seul point commun à ces trois territoires est d’être un département rural, on doit en tenir compte. » Pour Emmanuelle Amar, la seule question valable concerne l’attitude à venir des pouvoirs publics : « Va-t-on enfin prendre la mesure du fait que les malformations sont un marqueur des problèmes environnementaux, et qu’on ne peut pas balayer d’un reversdemaindessituationscommecelles-là ?» 1. ATMS, une malformation conduisant à l’atrophie du membre supérieur. 2. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. 3. Institut national de la santé et de la recherche médicale.