«C’est un film de bouche-à-oreille»
Il arrive en sandales, un brin décalé, avec des journées marathon. Car entre deux avant-premières (il a débuté la tournée de promo en juin dernier), le réalisateur Kheiron est toujours l’humoriste sur scène avec son oneman-show à Paris, à l’Européen, avant une tournée qui le ramènera avec son spectacle d’impros dans la région. Il se livre, intime, sur la façon dont il travaille, la façon dont le public appréhende son oeuvre. « Ce film est meilleur que sa notoriété », dit-il, sans arrogance ni suffisance. Juste un constat. Et il faut bien dire que Kheiron a certainement raison.
Mauvaises herbes a-t-il été difficile à écrire ?
Sincèrement non. L’écriture c’est ce que je maîtrise le plus. Je commence jamais sans avoir le début et la fin. Quand j’ai écrit Mauvaises herbes, j’avais aussi des répliques au milieu, j’avais les personnages… Mais tant que je n’avais pas l’ossature, je n’avais pas commencé à écrire. Je l’ai écrit en deux mois et demi. Il a mis cinq jours pour trouver tous ces financements.
Comédien, réalisateur, scénariste… Est-il arrivé que l’un des trois engueule… l’un des trois ?
(Il sourit). Les trois bossent tout le temps ensemble. J’ai pris l’habitude maintenant. C’est un jeu schizophrénique dans ma tête : quand je sais où ça doit aller, ça roule ! Grâce à mon spectacle, j’ai réussi à dédoubler mon cerveau… J’ai toujours une partie qui observe les réactions du public pour les impros et l’autre partie qui est concentrée sur ce que je dois faire. C’est une technique qui me correspond.
Dès l’écriture c’était Catherine Deneuve et André Dussolier ?
Dès la fin de l’écriture du scénario. Quand j’écris, je ne pense pas aux acteurs – sauf pour moi, bien sûr ! Sur mon premier film j’avais déjà des « rolls » et c’était un vrai plaisir. Plaisir prolongé avec Catherine Deneuve et André Dussolier. Je les ai dirigés comme les enfants en les poussant à donner le meilleur d’eux-mêmes et quand je vois le film, je me dis que j’y suis arrivé.
Communication, communauté, vivre-ensemble, éducation. Ce film véhicule beaucoup de messages. Lequel privilégier ?
Si je commence à dire “ça, c’est le message du film”, alors je fais de la politique et plus du divertissement. Et si je fais de la politique, mon message perd de sa valeur. Les humains ont besoin de sentir qu’ils ont leur libre arbitre. J’ai mis tout ce que j’avais à dire dans ce film, à chacun d’en retenir ce qu’il veut. Je lance les graines, chacun décide de ce qu’il prend ou pas.
Vous montrez votre film avant même les avant-premières ?
Je n’envisage pas de faire un film seul dans mon coin. Quand je l’écris, quand je le monte, il y a toujours des gens qui le lisent, qui le voient. Je note toutes les réactions. En avant-première, je sais déjà comment il va être reçu. Parce que c’est la meilleure version que j’ai obtenue qui est envoyée au distributeur. J’ai l’habitude de bosser avec le public, je teste tout le temps.
Vous avez débuté la tournée de promotion il y a déjà cinq mois déjà…
Ce film est meilleur que sa notoriété, on l’attend moins que sa qualité intrinsèque. C’est un film de bouche-à-oreille. On le montre parce qu’on sait que les gens vont aimer et lors de sa sortie, vont revenir avec du monde.
Guerres, migrations... Sans que cela soit un message du film, cela trouve un écho particulier dans l’actualité.
Ce n’est pas une volonté de ma part de surfer sur l’actualité, car je ne veux pas lier mon film à instant précis, au contraire. Ce sont juste des thématiques qui me sont chères mais si j’en parle, c’est que cela n’a pas été réglé. Cela aura encore, hélas, une résonance dans dix ans je pense. Moi j’aime surtout raconter simplement des choses complexes, et faire en sorte que celui qui n’en a rien à battre des guerres, de la banlieue, des vieux etc. vienne et passe un bon moment !