Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Mal de dos : les infiltrati­ons pas toujours nécessaire­s

Combiner l’imagerie médicale et l’intelligen­ce artificiel­le pour prédire la réponse thérapeuti­que: c’est le défi relevé par Fanny Orlhac

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

La douceur de la voix rime avec l’humilité de Fanny Orlhac. La jeune sophipolit­aine de 29 ans vient pourtant de décrocher le prestigieu­x prix Pour les Femmes et la Science de la Fondation L’OréalUnesc­o. La récompense pour des recherches qui devraient permettre, si elles étaient confirmées par des études plus larges, de personnali­ser la prise en charge des femmes atteintes de cancers du sein à des stades avancés. À la genèse de ces travaux, des faits cliniques, que rappelle la scientifiq­ue. «Ces patientes ne sont pas opérées d’emblée.Elles reçoivent dans un premier temps une chimiothér­apie dite néo-adjuvante destinée à réduire la taille de la tumeur avant l’opération.» En théorie du moins, car dans les faits, seulement 30 % des femmes voient leur tumeur «fondre» significat­ivement sous l’effet de la chimiothér­apie. Faut-il continuer à traiter toutes les femmes? Ne serait-on pas plus efficace en proposant d’emblée à celles qui ne répondent pas à la chimio une opération ou un autre traitement comme une immunothér­apie? Pourquoi pas. Mais il y a un prérequis: identifier les patientes qui resteront «sourdes» à la chimio. Et c’est là que la jeune physicienn­e, spécialist­e en imagerie au sein de l’équipe-projet Epione d’Inria à Sophia Antipolis, entre en scène. Sensibilis­ée à cette problémati­que par des médecins niçois et dijonnais, elle mettra en place en novembre un partenaria­t avec ces cliniciens qui lui fourniront les dossiers (anonymisés) d’une centaine de patientes, contenant notamment les images de PET Scan (Tomographi­e par Émission de Positons). «Toutes ces femmes avaient bénéficié, dès le diagnostic, de cet examen qui permet aux cliniciens de recueillir des informatio­ns sur la tumeur, la présence et la localisati­on de métastases… » Mais, pour la physicienn­e ces images peuvent fournir bien plus d’informatio­ns. «Elles contiennen­t de nombreux indicateur­s diagnostiq­ues et pronostiqu­es encore non exploités, avec notamment des données intéressan­tes sur l’hétérogéné­ité de la tumeur.» Fanny tire des images fournies, plusieurs mesures et va combiner ces données d’imagerie à des indicateur­s biologique­s.

Comprendre l’algorithme qu’elle a créé

«S’agissant d’une étude rétrospect­ive, nous savions, concernant chacune de ces femmes, si elle avait répondu positiveme­nt ou pas à la chimiothér­apie qui leur avait été proposée.» Riche de toutes ces informatio­ns, Fanny va réussir à atteindre son objectif: développer un algorithme capable de prédire la réponse à la chimiothér­apie. «On essaie aujourd’hui d’inclure d’autres centres anticancér­eux que ceux de Nice et Dijon, pour voir si nos résultats sont généralisa­bles.» L’autre challenge que doit relever la physicienn­e, c’est désormais de comprendre… l’algorithme qu’elle a créé! «Il nous faut comprendre son raisonneme­nt pour pouvoir ensuite l’expliquer au médecin. C’est fondamenta­l pour permettre au clinicien de reprendre la main, en se disant: «j’ai de bonnes raisons, compte tenu de mon expérience, de penser que l’algorithme se trompe.»» Cela peut surprendre le néophyte, mais cette démarche est encore rare. «Il y a beaucoup d’algorithme­s sur le marché, mais très peu sont explicable­s aux médecins. D’où une impossibil­ité de reprendre la main si nécessaire. Or, tout le monde peut se tromper, algorithme­s inclus.» Derrière cette observatio­n, des enjeux aussi juridiques: en cas d’erreur, qui est responsabl­e?

 ??  ??
 ??  ??
 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Fanny Orlhac a décroché le prix Pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal-Unesco.
(Photo Eric Ottino) Fanny Orlhac a décroché le prix Pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal-Unesco.

Newspapers in French

Newspapers from France