Transports sanitaires : la
La prise en charge des transports de patients hospitalisés a évolué. Dans certains cas, le coût des permissions de sorties incombe désormais aux patients. Ce qui n’est pas sans poser problème
On se bat depuis la naissance pour nos enfants ! Franchement, on ne devrait pas avoir à lutter en plus pour ce genre de choses. Moralement, c’est épuisant... » Le cri du coeur émane de Suzana Gougeon. Mère d’une petite fille polyhandicapée, cette Flayoscaise s’insurge contre la réforme du transport des patients hospitalisés, effective depuis le 1er octobre. Voilà maintenant sept ans que son enfant est placé en internat à l’hôpital spécialisé San Salvadour de Hyères, « parce qu’elle a besoin d’un suivi médicalisé jour et nuit. Salomée a 14 ans. Elle souffre de déficiences motrices et cérébrales depuis sa naissance. » Jusqu’ici, la jeune fille rentrait tous les week-ends au domicile familial. Le transport était pris en charge par la Sécurité sociale. Mais ce n’est plus le cas. Ce sont désormais les parents qui devront mettre la main à la poche. Avec des frais conséquents, difficiles à assumer.
« On l’a appris brutalement »
« Le départ et la séparation du domicile, c’est lourd. Avoir un enfant différent, ce n’est pas évident à gérer », poursuit la mère de famille. Alors à l’annonce de la “nouvelle”, on imagine aisément son désarroi. D’autant plus qu’on ne peut pas dire que la communication sur le sujet ait été de bon aloi. «On l’a appris brutalement, le 10 octobre, sans aucune communication ni de la Caisse primaire d’assurance-maladie, ni de l’établissement de santé, ni des transporteurs sanitaires. Simplement en appelant le centre pour programmer la permission de ma fille, comme d’habitude. À ce momentlà le médecin de service m’a précisé que les bons de transport ne seraient plus délivrés. Ça a été un choc ! » En creusant et en contactant les différents organismes, Suzana se rend compte qu’un décret(1) a été publié en mai dernier, applicable au 1er octobre. Ceci dans le cadre de la réforme de la prise en charge des patients hospitalisés et de l’article 80 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2017. « Ça a été la douche froide pour tous les parents d’enfants médicalisés. Tout le monde était au courant sauf nous, les familles. On a vraiment été mis au pied du mur. C’est juste aberrant. Je m’insurge contre ça. »
Permissions de sortie à la charge du patient
On a été mis au pied du mur. Je m’insurge contre ça ”
« J’ai aussi eu le directeur adjoint de l’hôpital qui a été très flou sur le sujet, ajoute-t-elle. Il s’est contenté de m’envoyer par mail la plaquette qu’il avait reçue de la Sécurité sociale et qui résume la réforme. C’est-à-dire que les permissions de sortie dites de “convenance personnelle” sont désormais à la charge du patient à 100 %. Quand avant, le prescripteur était l’établissement concerné. Et que la Sécurité sociale payait directement le transporteur. » Précision : la plupart de ces enfants-là sont en fauteuil roulant. « Il faut donc des véhicules adaptés. Je ne peux pas transporter ma fille avec mon véhicule personnel. On a besoin des transporteurs. Une voiture aménagée, c’est 30 000 euros… » Alors pour tenter de trouver une solution, Suzana contacte son transporteur, en l’occurrence, les ambulances du Soleil à Draguignan. « J’ai appelé le directeur pour lui demander un prix. On m’a fait un devis de 356 euros TTC pour un aller/retour. » Autant dire un sacré budget mensuel. « Il m’a aussi précisé que pour lui, ce décret était une grosse épine dans le pied, puisqu’il va forcément perdre des parts de marchés. Il ne s’en réjouit pas non plus (lire page suivante).»
Après la colère, la réplique
Passée la colère, Suzana prend les choses en main. S’organise. Réplique. «Maintenant, il faut se donner les moyens de faire bouger les choses. Et obtenir des résultats. Je suis déterminée pour. » D’autant qu’elle n’est pas seule à être touchée. « On vient de créer un collectif, avec un autre papa concerné (lire ci-contre) nos voix(2). » Et plus encore, un courrier a été envoyé à Fabien Matras, député de la 8e circonscription du Var. «Je me suis dit qu’il pourrait peut-être avoir du poids. J’ai donc rendez-vous avec lui le 22 novembre. » Des missives ont également été adressées au président de l’Assemblée nationale, au ministère de la Santé et au secrétariat d’État chargé des personnes handicapées. Toutes sont pour l’heure restées sans réponse.
Qui pour payer ?
Pour résumer le point de la réforme qui pose problème, Suzana l’explique ainsi : imbéciles… Tout le monde se renvoie la balle. Et c’est donc aux familles d’assumer ces permissions de moins de 48 h, dites de “convenance personnelle du patient”... » Autant dire que pour un enfant hospitalisé 7j/7, 24h/24, retrouver son domicile pour moins de 48 h, c’est peut-être un peu plus qu’une “convenance personnelle”. «Le retour à la maison, c’était le seul lien qui nous permettait de nous sentir comme une vraie famille. » Et d’ajouter : «Ily a des milliers de petites Salomée en France. Ce sont des enfants qui sont déjà discriminés depuis tout petit, parce qu’ils sont différents. En coupant ce lien familial, on accentue encore cette discrimination. » Quant aux économies à réaliser du côté de l’État, elle estime qu’il y a peut-être d’autres pistes à explorer que celle-ci. « Quand on voit qu’en parallèle de tout cela, les dépenses de l’Assemblée nationale ont explosé – comme je le précise dans mes différents courriers –, je pense qu’il y a peut-être d’autres moyens pour faire des économies… » Et puis la mère de famille s’interroge : « Dans le jargon de la Sécurité sociale, nos enfants souffrent d’Affections de longue durée (ALD). Lesquelles sont prises en charge à 100 % pour tout ce qui a trait à leurs besoins médicaux. Alors pourquoi faire une exception avec le transport ? » Concrètement, Suzana demande à ce que cette réforme du transport soit revue. «Qu’un amendement prenne en compte des cas particuliers comme les enfants handicapés. » Et regrette amèrement le manque de transparence autour de la réforme : « Tout cela est passé totalement sous silence. Peu de personnes sont au fait de ce texte. Ce n’est pas normal de nous mettre devant le fait accompli de la sorte. On a besoin de se faire entendre. » ■ 1. Décret n° 2018-354 du 15 mai 2018 portant sur la prise en charge des transports de patients. ■ 2. http://secure.avaaz.org/fr/petition/Etat_Refor me_du_Transport_sanitaire
En coupant le lien familial, on accentue la discrimination ”