Des mots sur les maux
Jamais depuis leur remontée dans l’élite, les Toulonnais ne s’étaient retrouvés dans une situation aussi délicate. En position de relégable, Collazo et sa bande se doivent de réagir
C’est grave, Docteur ? Treizième avec dix petits points au terme de la 8e journée, Toulon compte pas moins de vingt points de retard sur le leader clermontois et onze sur le trio composé de Lyon, Montpellier, La Rochelle, sixièmes ex aequo. Et dans la compétition européenne, le bilan n’est pas plus brillant avec deux matches de poule pour autant de défaites. Le premier bilan d’étape est sur le plan comptable déplorable et pas mieux sur le plan sportif. Au-delà des seuls résultats, le fond de jeu des Rouge et Noir n’apparaît pas sur le terrain. Et les progrès ne se font toujours pas jour. Patrice Collazo et ses adjoints (Fernandez Lobbe et Tillous-Borde) accusent le coup. Le nouveau manager rase les murs et fuit la presse. Ses deux bras droits assurent devant les médias avec des éléments de langage tout préparés que nos éminents hommes ou femmes politiques ne renieraient pas. Le bilan, heureusement provisoire, imposé par l’urgence de la situation - le capitaine Bastareaud, avant de rejoindre Marcoussis convenait que le RCT était désormais en danger - n’a rien de bon. Au tiers des deux compétitions, ce tableau noir interroge. Nous posons simplement des questions en essayant de savoir à qui incombe la faute de cette actuelle déroute? Aux intéressés d’apporter éventuellement les réponses.
Le système Collazo
Arrivé, contrairement à d’autres, avec de réelles convictions, le nouveau coach toulonnais qui a su bâtir un véritable édifice à La Rochelle, a voulu logiquement imposer sa patte. Dans le véritable chantier qui l’attendait dans le Var, on peut se demander s’il n’a pas mis la charrue avant les boeufs. A savoir s’il n’a pas voulu faire entrer - en force les joueurs dont ils disposaient dans son schéma de jeu préétabli au lieu d’adapter son jeu en fonction des qualités et des défauts de son effectif.
Problème de stabilité
Dans un club qui a connu bien des turbulences ces dernières saisons et dont la stabilité n’est pas la principale qualité, Collazo a-t-il apporté toute la sérénité voulue? A titre d’exemple, a-t-il été judicieux dans l’intérêt du groupe d’écarter le capitaine de l’équipe de France Guilhem Guirado du poste de vice-capitaine du RCT pour nommer aux côtés de Lakafia et de l’infortuné Ollivon, Rebbadj qui ne bénéficie pas encore de la légitimité et du charisme pour s’imposer ?
La valse des postes
En changeant de poste - peut-être hâtivement - plusieurs joueurs, la cohésion du collectif en a probablement souffert. Ces (trop ?) nombreuses options peut-être précipitées ont pu instiller le doute dans la tête des joueurs concernés. Ainsi, des garçons comme Tuisova passé de l’aile au centre puis le contraire, Fékitoa qui a fait le chemin inverse ont eu du mal à s’adapter à ces nouvelles exigences. En alternant Belleau et Trinh-Duc de l’ouverture au centre et vice versa, en instaurant un turnover quasi permanent à l’arrière (Bonneval, Pietersen, Smaili, Nakosi…), en faisant passer des piliers (Chiocci, Sébastien Taofifenua) de droite à gauche et inversement, en positionnant Rebbadj tantôt en deuxième tantôt en troisième ligne en fonction, il est vrai, des besoins et des disponibilités ont été autant de choix qui ont pu déstabiliser l’ensemble de l’édifice en construction et dont les fondations manquaient déjà d’assise.
Un problème d’effectif
Patrice Collazo qui n’a pas été chargé du recrutement a dû composer avec les éléments choisis par son président. Avec l’hémorragie de talents enregistrée à l’intersaison (Nonu, Ashton, Radradra, Vermeulen mais aussi Attwood ou encore Wisniewski), Toulon souffre d’un déficit de talent malgré la qualité des garçons comme Onembelé et Ikpefan pour ne citer qu’eux. Les difficultés financières du RCT n’ont pas permis de recruter de grandes stars à l’exception de Messam et Savea, l’autre champion du monde qui n’est pas encore au meilleur de sa forme. L’erreur du manager général a vraisemblablement été de voir son groupe plus beau qu’il ne l’était en réalité. Il a peut-être au moins dans un premier temps minimisé l’ampleur du chantier pour mener à bien son entreprise.
Forme et méforme
Au sein d’un effectif hétéroclite, le staff technique a dû composer avec quelques joueurs qui connaissent toujours un excédent de poids (Chiocci, Sébastien Taofifenua pour ne citer qu’eux). Dans le séduisant jeu en mouvement préconisé, quelques éléments souffrent tant dans le placement, le déplacement que le replacement. Des carences qui entraînent des trous béants dans la défense. De plus, certains joueurs cadres (Guirado, Bastareaud suspendu 5 semaines) ont marqué le pas en ce début de saison.
Problème de discipline
Les Toulonnais ont souvent été sanctionnés par le corps arbitral à cause de leur indiscipline (nombreux cartons jaunes et rouges). Dépassés par la vitesse du jeu de l’adversaire, dans l’urgence, des joueurs toulonnais ont été contraints de parer au plus pressé de façon illicite. Par ailleurs, par (mauvais) réflexes plusieurs plaquages haut forcément répréhensibles ont été logiquement sanctionnés. Le président du RCT en s’en prenant régulièrement à l’arbitrage caresse les supporters dans le sens du poil. Mais n’est-ce pas un peu trop démago quand on sait, par exemple, que la victoire sur Castres reposait sur une pénalité qui n’a pas été sifflée en toute fin de match en faveur du C.O. De plus, est-ce la faute à l’arbitre si Toulon a commis onze en-avant face aux Rochelais ou n’a pas su négocier ses pénaltouches ?
Des choix discutables
Pour des raisons qui lui appartiennent et qu’il ne commente pas, Collazo fait parfois des choix a priori surprenants. Ainsi, à titre d’exemple, après que la sanction infligée par la Ligue eut été réduite, Messam pouvait être aligné contre La Rochelle. Mais le coach toulonnais a préféré mettre d’entrée de jeu le jeune Florent Vanverberghe, 18 ans plutôt que le champion du monde en titre. Était-ce vraiment opportun alors qu’il lançait au même moment le jeune Yoann Cottin à la mêlée ?