Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Menacée d’extinction ? Nadine Allione, présidente du Syndicat des producteur­s de châtaignes du Var: «Je démissionn­e»

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Quelle est la production, en tonnes et par an, de châtaignes dans les Maures aujourd’hui?

Ça reste aléatoire. On dit  tonnes, mais je pense que c’est beaucoup moins. En dix ans, la production a baissé de façon vertigineu­se. En superficie, les exploitati­ons moyennes sont de ,  ha. On récolte environ une tonne par hectare. C’est moitié moins qu’il y a  ans. Il y a un manque de régularité dans les pluies. L’été dernier, on a eu environ  mm et on a passé  mois sans eau, alors qu’il faudrait   à  . Et cette année, on nage dans l’eau.

Combien y a-t-il de producteur­s vivant à  % de leur récolte?

Avec  kg par hectare, on fait juste du folklore car ce n’est pas rentable. Personne ne vit à  % de sa production. L’économie autour de la châtaigne est aujourd’hui mise en oeuvre par des non-producteur­s, des revendeurs, comme à Collobrièr­es. Beaucoup sont des marchands du temple, comme je les appelle. Tout est dévoyé. Je deviens une traite dans le village où j’habite, mais c’est vrai. Il faut arrêter de brosser un tableau idyllique. C’est du vent. Je sais que c’est politiquem­ent incorrect. On n’a pas su s’organiser. Tout cela nous a échappé.

Comment expliquer la présence de quelque  producteur­s ?

Les producteur­s qui sont présents le font par préservati­on du paysage et par amour : ce sont des poètes. C’est un travail qui demande du temps et de l’argent :   euros pour l’élagage et, en plus, on ramasse moins ! On a été aidé par l’État et le départemen­t mais là, ce n’est pas de notre faute: le climat ne s’y prête plus. Ce travail, ce n’est que de la peine. Il n’y a que nous, producteur­s, qui pouvons être habités par cette passion. J’ai compris cela à la fin de l’année dernière.

Quel est le fait marquant, selon vous, dans la culture de la châtaigne ?

On entre dans un cercle vicieux. Les châtaignie­rs sont en stress constant, avec des périodes de sécheresse longue, non compensées par un système d’irrigation, comme en Espagne. Ils n’ont pas de système d’autodéfens­e. Il y a bien sûr le cynips mais l’aléa majeur reste le changement climatique. Ces arbres ont - ans et le climat à l’époque était différent. De plus, le Sativas est une espèce très sensible à la maladie de l’encre, laquelle a explosé dans les Maures et au niveau national. Ici, on est les sentinelle­s. On subit de plein fouet.

La châtaigne des Maures, en tant que telle, va-t-elle disparaîtr­e?

J’ai un discours très amer et néanmoins optimiste. La seule solution, c’est la plantation, dans des zones plates comme la plaine des Maures, avec un bon système d’irrigation. Cela se fait en Basse-Ardèche, en Corrèze, en Dordogne. Il nous faut des profession­nels, des jeunes sans doute, pour créer tout un monde économique viable autour de la châtaigne. La châtaigner­aie traditionn­elle est à un tournant. Je ne le vis pas bien.

Où planter ? La vigne est partout…

Les châtaignes ne vont pas remplacer la vigne mais on peut trouver de la place sur des friches, chez des maraîchers, des arboricult­eurs. Il y a déjà des petites plantation­s, mais pas de suivi ou de recherches. Et puis, dans certaines régions, on plante des hybrides. Ici, la variété, c’est le marrouge. Que faire ? Il faut trouver le bon porte-greffe. Il y a un véritable défi à relever, je suis convaincue que ça peut marcher mais si on ne commence pas, on ne saura pas. On peut également penser à se développer dans le centre Var, le territoire de la Cavem

à Roquebrune, toute la () plaine des Maures et, en zone maritime, pourquoi pas à Grimaud/Cogolin… On ne se bloque pas. Il faut ouvrir le champ des possibles. Le châtaignie­r a besoin d’un sol acide et de l’eau. Donc, ce ne sera pas possible en Provence calcaire.

Comment voyez-vous la situation de la Chine, premier pays producteur mondial de châtaignes ?

C’est une menace pour l’Europe. Cette prise de conscience s’est bien faite dans les pays ibériques, qui plantent, et un peu en Italie, mais pas en France. On en mange peut-être sans le savoir. À terme, ce qu’il faudrait, c’est une IGP : ça tirerait le produit vers le haut et on ferait ainsi le ménage. Je comprends que les producteur­s soient en colère, quand ils ont en face d’eux des voyous. Il faut trouver les bons interlocut­eurs. Mais là, je suis vidée. Je démissionn­e à la prochaine assemblée générale, et je ne sais pas qui va reprendre, et surtout quel discours il aura.

Quid du logo « Châtaigne des Maures», qui permet justement aux consommate­urs de ne pas s’y tromper ?

Oui, il existe un logo depuis dix ans mais personne ne l’utilise. Et pourtant, le cahier des charges n’est pas compliqué. Sinon, pour répondre à votre question, il n’y a aucune certitude. 1. Territoire de la communauté d’agglomérat­ion Var-estérel-Méditerran­ée.

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Le seul logo (sur la photo) qui permette aux consommate­urs de ne pas se tromper sur la provenance de la châtaigne «n’est pas utilisé alors qu’il existe depuis dix ans», selon M. Allione.

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