Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Deux visions pour un avenir commun

C’est demain que ce petit territoire stratégiqu­e de 270 000 habitants dans le Pacifique, doit décider s’il reste français – scénario le plus probable – ou s’il choisit l’indépendan­ce

- PHILIPPE MINARD/ALP

Morceau de France, la Nouvelle Calédonie n’a pas toujours voté comme la métropole. Elle a ainsi choisi Mitterrand en 1974, Giscard en 81 et Chirac en 1988. Il a fallu attendre 1995 et l’élection de ce même Chirac pour qu’elle soit en phase avec la majorité des Français. Cet ancrage à droite ne s’est depuis jamais démenti, atteignant son apogée en 2007 avec le sacre de Nicolas Sarkozy. C’est à Nouméa, une ville de 100 000 habitants, que ce dernier a fait son meilleur score, avec plus de 70 % des suffrages. En 2017, l’ex-Président est encore arrivé en tête de la primaire de la droite. Puis, malgré les consignes de Paris en faveur d’un vote Macron, Marine Le Pen a ensuite atteint 47.43 % des suffrages au second tour. En filigrane de ces résultats extrêmes et à contre-courant de la métropole, le désir d’une Calédonie française. Si les socialiste­s ont perdu durablemen­t leur crédibilit­é quand François Mitterrand a laissé entrevoir, en 1981, l’éventualit­é d’une indépendan­ce pour la Calédonie, ce sont pourtant bien eux qui ont ramené la paix en 1988, après le drame d’Ouvéa, et permis le développem­ent pacifié du territoire jusqu’à aujourd’hui.

« Mission du dialogue »

En confiant au préfet Christian Blanc, un de ses fidèles lieutenant­s, le pilotage d’une « mission du dialogue » composée de religieux et de franc-maçons, Michel Rocard a initié les « chemin du destin commun ». « Le respect de l’identité kanake et de cette civilisati­on vieille de plusieurs millénaire­s n’étant pas intégré par les Européens. Jean-Marie Tjibaou [leader indépendan­tiste signataire des accords de paix] m’a expliqué que la raison pour laquelle il luttait pour l’indépendan­ce, c’est qu’elle permettrai­t de garantir cette identité », explique aujourd’hui Christian Blanc. Conclu en 1998, dix ans après celui de Matignon, l’Accord de Nouméa, continuité de l’oeuvre de Michel Rocard, est à mettre au crédit d’un autre socialiste, Lionel Jospin. Et c’est cet accord qui a prévu le référendum d’autodéterm­ination.

A l’aube de cette étape cruciale, à Paris, la neutralité imposée par l’Accord de Nouméa est respectée : pour les acteurs politiques français, il revient aux Calédonien­s et à eux seuls de décider de leur destin. Depuis 1998, un seul responsabl­e a clairement indiqué son choix pour une Calédonie dans la France : Nicolas Sarkozy. Manuel Valls, Premier ministre de François Hollande, qui s’est montré très actif sur le dossier calédonien, n’a, en revanche, cessé de marteler qu’il était « exclu que le gouverneme­nt se substitue au choix des acteurs calédonien­s et s’engage dans un chemin qui ne recueiller­ait pas, au préalable, l’assentimen­t de tous les partenaire­s ». Une position, aujourd’hui, partagée par Edouard Philippe qui se rendra en Calédonie dès le lendemain du vote, le 5 novembre : « La position du gouverneme­nt, c’est le respect des Accords, à savoir que l’Etat doit être impartial ! A l’issue du scrutin, nous prendrons un certain nombre d’initiative­s pour faire en sorte que l’avenir de la Calédonie soit construit de bonne foi, avec des femmes et des hommes qui veulent s’engager. » Emmanuel Macron, qui s’est rendu s ur le « Caillou », comme on nomme l’archipel là-bas, en mai dernier, ne s’est pas prononcé. Mais le président de la République a eu cette phrase largement interprété­e : « La France serait moins belle sans la Calédonie. »

 ?? (Photo Julien Cinier) ?? Depuis près de vingt ans, l’enseigneme­nt primaire est une compétence locale. La collectivi­té a entièremen­t la main sur les programmes, la formation des professeur­s et les calendrier­s scolaires.
(Photo Julien Cinier) Depuis près de vingt ans, l’enseigneme­nt primaire est une compétence locale. La collectivi­té a entièremen­t la main sur les programmes, la formation des professeur­s et les calendrier­s scolaires.

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