Liberatore et Manara, papes de la BD érotique
Milo Manara et Tanino Liberatore constituent le duo star de l’édition 2018. Avec deux séances de dédicaces privilégiées où les maîtres italiens ont rivalisé d’érotisme, pour le plus grand plaisir des fans
Milo Manara est un peu « varois » depuis qu’il a signé l’aquarelle de Brigitte Bardot faite sculpture à l’entrée de Saint-Tropez en septembre 2017. D’ailleurs le sud de la France, le Vénitien connaît bien. « J’y viens tous les ans. J’adore la Provence. J’ai mes habitudes dans l’ancienne abbaye de Sainte-Croix transformée en hôtel à Salon-de-Provence », confie-t-il bien volontiers. Son étape toulonnaise ce week-end à la Fête du livre n’était pas acquise pour autant...
Plateau unique
« C’est une belle surprise de dernière minute, car il est très sollicité et accepte rarement les salons littéraires», confie son agent italien, Marco Orso Giacone. Lui-même installé en pays brignolais, ce galeriste a joué un rôle essentiel dans sa venue. La présence de son compatriote Tanino Liberatore qui partage avec l’auteur du Déclic un goût prononcé pour les courbes vertigineuses, jambes interminables, silhouettes sculpturales et parties... charnues, n’y est pas non plus étrangère. « Tous deux étaient hésitants au départ, mais le fait de se retrouver côte à côte à Toulon (ils sont amis de 40 ans, Ndlr) a été l’élément déclencheur », confirme le Monsieur Culture du Département, Ricardo Vazquez.
Signatures mais pas de dessins ce matin
Énorme popularité parmi les fans du 9e art oblige, un système de tickets (avec achat de BD sur place obligatoire) avait été mis en place hier sur le stand de la librairie Charlemagne La Seyne afin de désigner les heureux bénéficiaires d’une dédicace des maestro italiens. Quinze ont été attribués pour Milo et une petite vingtaine pour Liberatore. Tous deux s’alignent dès 15 heures, munis de leur trousse de crayons face à un public trépignant. Le créateur de RanXerox y va franco sur le côté « hot ». « Je lui ai demandé de me dessiner une donzelle qui s’adonnait à des plaisirs solitaires mais finalement il a préféré partir sur une scène torride! », montre, aux anges, Jean, fan absolu venu des Bouches-du-Rhône. Au suivant qui, lui, demande timidement une femme nue... Liberatore s’emporte gentiment façon commedia dell’arte... « Ne me dites pas ce que vous voulez. C’est mieux que je fasse ce que j’ai dans la tête. Le dessin n’en sera que meilleur ! », tonne-t-il. Pendant ce temps, Manara crayonne minutieusement les albums, prolongeant une bonne quinzaine de minutes chaque dédicace. Soit quatre heures pour venir à bout des quinze «commandes» prévues ! «Il s’applique vraiment avec une attention très respectueuse pour chacun », souligne son agent à l’orée du lancement parisien du tome 2 du Caravage qui paraît le 28 novembre chez Glénat. « Je compte près d’un millier de dédicaces, mais celle-ci est l’une de celles dont je suis le plus fier!», témoigne Jérôme, commercial marseillais, tome 1 du Parfum de l’invisible sous le bras.
Manara: «Grand entretien » annulé
Le Vénitien de 73 ans sera ensuite à l’honneur fin janvier 2019 au 46e Festival d’Angoulême avec une très attendue rétrospective de son oeuvre. Annoncé également aujourd’hui place d’Armes, Manara, dont l’emploi du temps est ultra-serré, s’en tiendra à des signatures simples entre 10h30 et 11h30. En revanche le «Grand entretien» public, prévu à 18 heures sous chapiteau, est tout bonnement annulé pour cause « d’impératifs personnels »et retour anticipé en Italie... Liberatore, lui, sera bien là à 14 heures, pour son Apostrophe littéraire.
« Son style brut en mode “sex, drugs & rock’n’roll”, correspond à une libération dans le milieu de la BD. Son graphisme a marqué une génération. Il est pour moi parmi les plus grands maîtres italiens. Du calibre de Pratt, avec lequel il a d’ailleurs cosigné Un Été indien », s’enthousiasme un admirateur qui repart un album griffé dans la sacoche.
Liberatore césarisé
Une chance, car déjà le maestro s’impatiente face à sa charge de dédicaces. « J’ai du mal à faire de la bande dessinée : trop de détails, dix mille personnes à dessiner... Au bout d’un moment, ça m’emmerde! », avouait-il sans faux-semblant dans son album-témoignage Petites Morts. D’où ces incessants allers-retours entre la BD, l’illustration ou le monde du cinéma où il brilla notamment en remportant le César 2003 des meilleurs costumes pour Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, également scénariste de son RanX 3.