Michel Wieviorka : « Le pouvoir a du mal à faire face »
Michel Wieviorka, sociologue, préside la Fondation Maison des sciences de l’homme. Il analyse la journée de mobilisation d’hier.
Avez-vous été surpris par la composition sociologique des « gilets jaunes » ?
Je distingue deux catégories. Une partie des manifestants – pas forcément les plus démunis –, a l’impression d’être ignorée par ceux qui les gouvernent. Ils sont directement impactés par l’augmentation du coût des transports et sont plutôt pacifistes. Une autre partie est composée de Français plus jeunes. Ceux-là ont vraiment la rage. J’ai constaté une forte colère qui peut se radicaliser et qui, j’espère, ne va pas l’emporter.
Il y a une réelle volonté dans ce mouvement d’être apolitique. Est-ce un leurre ?
Ce mouvement est une forme d’action novatrice fondée sur Internet, les réseaux sociaux… Une simple pétition sur Internet a été vue par des millions de personnes. Il est frappant de voir les difficultés du pouvoir à faire face. Il se retrouve dans une situation très inconfortable. La gauche, elle, a été incapable de réagir. Dans certains endroits, la droite dure a trouvé l’occasion d’entrer dans le jeu même si elle n’organise rien, elle n’est à l’origine de rien.
Il est clair que la hausse du prix des carburants n’est pas la seule cause de ce mouvement populaire.
Ceux qui étaient dans la rue ont un profond sentiment d’injustice. Ils contestent la manière dont les réformes sont pensées et appliquées par un gouvernement technocratique qui les accable d’impôts et de taxe. À l’instar des opposants au «mariage pour tous» ou des Bonnets rouges bretons, c’est une fois de plus une France sur la défensive qui se mobilise. Ce n’est pas une lutte pour un avenir meilleur ou un monde plus radieux.