« Le fossé se creuse entre les dirigeants et le peuple »
André Guyot, le maire de Néoules, l’affirme : « Je ne suis pas d’un comportement boudeur ». Pour expliquer son absence au Congrès des maires de France, qui a ouvert ses portes hier à Paris, celui qui préside l’Association des maires ruraux du Var invoque « un coup de fatigue », après deux semaines particulièrement intenses d’un véritable agenda de ministre. Excuse bidon ? C’est bien mal connaître le bonhomme. Et on sent même dans sa voix comme des regrets de ne pas pouvoir monter à Paris. C’est que le maire de Néoules en a des choses à dire.
«Ce n’est pas bon pour la démocratie»
À commencer par son mécontentement, voire sa colère à l’annonce de la défection d’Emmanuel Macron. « Je suis en colère. Même si le contexte est difficile, le président de la République doit se présenter devant les maires de France. Il rate là une vraie rencontre ». Cette absence volontaire du chef de l’État l’inquiète. « Elle marque encore un peu plus le fossé qui se creuse entre les dirigeants du pays et le peuple. Ce n’est pas bon pour la démocratie ». À ces mots, André Guiol ne peut s’empêcher de faire allusion au mouvement des gilets jaunes. « Lors de
l’assemblée des maires ruraux du Var, le 20 octobre dernier à Entrecasteaux, j’ai prévenu Serge Jacob, le secrétaire général de la préfecture en lui disant : la grogne des maires n’est que les prémices du mécontentement grandissant de la population. » Si pendant longtemps, les maires,
dans un esprit républicain, ont servi de rempart aux sautes d’humeur des citoyens, ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Des digues ont sauté. Confrontés aux mêmes fins de mois difficiles que nos administrés, on est devenus de bien piètres avocats et on accompagne désormais le discours d’une population qui n’arrive plus à joindre les deux bouts», explique, un rien dépité, le maire de Néoules.
« Des oisillons qui attendent leurs becquées »
Ce changement d’attitude des élus locaux, André Guiol l’attribue en partie à la suppression de la taxe d’habitation. « Encore une fois, on va remplacer une taxe dynamique par une dotation atone qui va s’étioler dans le temps. Les maires ont le sentiment d’être des oisillons qui attendent leurs becquées. Ils vivent très mal cette situation. » Mais la goutte d’eau est venue de la perte de la compétence eau et assainissement, bientôt transférée aux intercommunalités. « Le siphonnage continue. Pour les maires qui vont être privés de trésorerie, cette décision est un casus belli», déclare le maire de Néoules. Et ce dernier, qui suspecte l’État d’orchestrer sournoisement la disparition des communes, d’en appeler, sur un ton faussement léger, au père de la décentralisation: « Gaston (1), reviens ! Ils sont devenus fous ! » 1. En référence à Gaston Defferre, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement de Pierre Mauroy.