Orsenna: «Je suis moins optimiste qu’il y a ans»
Saint-Raphaël Hormis deux défections, les personnalités ont ouvert hier la 1re édition des Rencontres de l’avenir. Avec le plus connu des académiciens français en figure de proue
Écrivain, homme politique, membre de l’Académie française depuis 1998, Erik Orsenna a répondu avec enthousiasme à l’invitation de son « ami » Nicolas Bouzou, avec qui il animait hier soir une conférence-débat sur ‘‘l’avenir de l’avenir’’. Nous l’avons intercepté juste avant.
Pourquoi avez-vous accepté l’invitation de Nicolas Bouzou ?
D’abord parce que c’est l’amitié qui permet d’avancer. Nicolas Bouzou est quelqu’un avec qui on discute énormément, il m’apporte beaucoup. Et il y a plein d’autres intervenants de différentes disciplines avec qui j’ai l’habitude de discuter. Honnêtement, il faut qu’on se mette à réfléchir ensemble, car il y a quand même des sujets d’inquiétude majeurs. On ne vient pas ici pour asséner une vérité mais rappeler quelques convictions et se dire : ‘‘on fait quoi maintenant ? ’’ L’idée de l’avenir, c’est comment on le bâtit ensemble.
Vous êtes intervenu hier avec Nicolas Bouzou sur le thème ‘‘ l’avenir de l’avenir ’’. Quelle en est la finalité ? Le but est d’être
vigilant et de poser des questions. Je suis moins optimiste qu’il y a dix ans. Il n’y avait pas Donald Trump, il n’y avait pas de gens qui flattent les peurs. J’espère que l’on sera plus intelligent dans l’avenir. En matière d’eau, par exemple. On ne pensait pas qu’il y aurait de la rareté… En général, quand on
nous oblige à être plus intelligent, on est plus intelligent.
Pour l’académicien que vous êtes, l’avenir doit-il continuer à s’écrire en langage ‘‘ texto ’’ ou prônez-vous un retour à une certaine rigueur sur l’utilisation de la langue française ?
C’est la simultanéité. Il
y a toujours eu beaucoup de langues diverses parlées en même temps : l’argot, les abréviations, les langues savantes en latin... Un exemple précis : Si on me
disait : ‘‘ Tu arrêtes de parler français et on te donne en échange une grande langue (l’arabe, le russe, l’espagnol... une vraie langue constituée) ’’, je dirais : ‘‘ Je suis très triste, mais j’ai perdu un royaume et j’en ai gagné un autre ’’. Mais si on me dit : ‘‘ Tu abandonnes la langue française ’’, qui est le fruit de siècles et de siècles de créations collectives, pour avoir mots... C’est comme si on me disait : ‘‘ Tu vas être nourri par des pilules ’’ et c’est fini le vin, la gastronomie...
Ilyales Rencontres de l’avenir ce weekend, mais le présent, c’est la mobilisation des gilets jaunes. Vous connaissez le président Emmanuel Macron et les rouages de la politique : comment voyez-vous l’issue de ce conflit ?
L’issue, c’est difficile de savoir, mais c’est exactement ce que j’ai dit jeudi devant maires – car je travaille pour l’association des maires de France – ; c’est ce qui arrive quand les corps intermédiaires se dissolvent. Si vous n’en avez pas, vous avez un affrontement entre des gens au pouvoir et une masse hétéroclite que d’aucuns appellent le peuple, mais ça ne veut rien dire. Il faut des interlocuteurs privilégiés. Quand vous avez des rassemblements comme ça, il y a une revendication, puis une autre. Parfois c’est contradictoire, parfois il y a des gens violents... Il faut de la synthèse. C’est pour cela qu’il y a les syndicats, que les maires existent ainsi que les institutions. Le vide n’est jamais bon. Le peuple spontané au bout d’un moment, ça donne la prise de la Bastille, mais ça donne aussi la Terreur. On est train de vivre plusieurs révolutions : énergétiques, numériques… et elles se nourrissent toutes les unes des autres.
‘‘ Ce qui arrrive quand les corps intermédiaires se dissolvent... ”