Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Des remous au port de la Petite Mer

Des plaisancie­rs s’indignent de voir des boues de dragage stockées sur leur terre-plein, issues d’un chantier extérieur au port. D’autres interrogat­ions se font jour sur une enquête financière

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

Elles sont là, stockées sur le terre-plein, au fond du port. Au milieu du passage. Entre des pontons flottants entreposés au sol, deux monticules de terre. Et quelques carcasses éventrées. Le plaisancie­r qui nous accompagne, et dont le bateau est amarré juste à côté, doit longer les blocs de béton. Presque un sentier. Il se désole. « Ce qui me gêne surtout, c’est l’accès. Et en plus, ça fait dégueulass­e. Vous imaginez faire venir amis ou famille ? On dirait une déchetteri­e. » Il paie environ 700 euros par mois de redevance pour sa place au port. Elles, ce sont des boues de dragage, un peu noirâtres, détrempées par la pluie ce matin-là, et parsemées de déchets plastiques. Elles sont apparues ici il y a un peu plus d’un mois.

Sous l’embarcadèr­e

Personne ne fait mystère de leur origine : « On a dragué sous le ponton de l’embarcadèr­e des Sablettes, désigne un habitué des lieux. Pour faire gagner du tirant d’eau aux navettes maritimes.» Les travaux ont démarré aux vacances scolaires cet automne, ramenant provisoire­ment les passagers de la ligne 18 M de Réseau mistral, vers le ponton de Tamaris. Au port, on estime avoir été placé devant le fait accompli. Le déchargeme­nt des boues ressemble à une mauvaise surprise. «C’est brutal d’avoir mis ces boues ici. Sans prévenir », livre un plaisancie­r qui préfère, comme d’autres, rester anonyme.

« Les deux tiers sont partis »

Gestionnai­re du port, l’agglomérat­ion TPM répond qu’il n’y a rien d’anormal et que «les deux-tiers [des boues] sont déjà partis à Envisan », assure Robert Cavanna, viceprésid­ent de TPM et à la tête des ports. Envisan, c’est le nom d’une société spécialisé­e dans le traitement de sédiments et de terres polluées. Elle est installée dans la rade, à La Seyne, sur la zone commercial­e et industriel­le de Brégaillon. La différence ici, est que ces boues sont stockées sur un espace ouvert au public, sans aucune protection, dans l’un des ports de plaisance de la Rade de Toulon. Robert Cavanna tient à rassurer et le promet : «Dès que ça aura séché, ça partira. Actuelleme­nt, il pleut, ça ne peut pas être transporté trempé. Dès que cela se calme, ça sera évacué.» La météo n’est effectivem­ent pas de la partie pour faire sécher des boues À chaque pluie, celles-ci sont arrosées. Mettre des boues de dragage à sécher est une méthode répertorié­e. Cela s’appelle une « technique d’essorage des sédiments », peut-on lire dans des documents émanant de la préfecture du Var, au sujet d’autorisati­ons de dragage. À partir d’un certain niveau de pollution des sédiments (dit audelà de la référence N2), « les eaux d’essorage sont traitées avant leur rejet dans la zone de dragage ». Ce n’est pas le cas à la Petite Mer, les sédiments étant classés de niveau inférieur (1).

Métaux lourds

Document de référence en la matière, le Contrat de baie signé pour la rade de Toulon mentionne tout de même la présence de métaux lourds, en fond de petite rade (2). Pour les plaisancie­rs, le mécontente­ment autour des boues de dragage s’ajoute aux incertitud­es sur la façon dont le port a pu être géré (lire ci-contre). L’ambiance semble plombée. 1. Comme mentionné dans la déclaratio­n de dragage

de l’embarcadèr­e des Sablettes, validée par la préfecture du Var le 16 mars 2018. 2. « Les forts niveaux de contaminat­ion enregistré­s dans la baie du Lazaret proviennen­t des échanges avec la zone portuaire via les remises en suspension et les courants marins. » Extrait du dossier de Contrat de baie

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(Photos Dominique Leriche) Entre les blocs de béton, posées sur une épaisse bâche noire, des boues de dragage, dont certains plaisancie­rs se demandent pourquoi elles ont atterri là.

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