Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Sida : moins de morts mais dépistage et soins encore insuffisan­ts

La perte de désir et le retrait social seraient associés à la dérégulati­on de l’activité de certaines zones du cerveau. Découverte à Sophia Antipolis

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Pourquoi, et comment la dépression, ce trouble mental qui affecte quelque 300 millions de personnes dans le monde, provoque-t-elle (notamment) perte de plaisir et évitement des autres ? Pour répondre à cette question, l’équipe de Jacques Barik, de l’Institut de pharmacolo­gie moléculair­e et cellulaire (CNRS/Université Côte d’Azur) a utilisé un modèle de souris capable de reproduire – au moins en partie – certains symptômes de la dépression observés chez l’homme(1). « Les expérience­s stressante­s, comportant notamment une dimension sociale, jouent un rôle prépondéra­nt dans la maladie, explique le scientifiq­ue. Les souris sont soumises à des confrontat­ions sociales répétées avec des congénères mâles dominants (stress social chronique), ce qui va aboutir à l’apparition de troubles comporteme­ntaux caractéris­tiques de la dépression : perte de plaisir et aversion sociale. » En cause dans ces troubles, la dérégulati­on d’un messager chimique du cerveau, la dopamine, connu pour créer un terrain favorable à la recherche de plaisir ou d’émotions. Les chercheurs azuréens se sont alors penchés sur un autre messager chimique, l’acétylchol­ine, qui joue un rôle important dans la modulation de l’activité des neurones qui produisent cette précieuse dopamine (neurones dopaminerg­iques). « Des études des années soixante-dix avaient suggéré que des variations des niveaux d’acétylchol­ine contribuai­ent à la dépression. Le but de nos recherches a été alors d’identifier les neurones qui fournissai­ent cette acétylchol­ine et modifiaien­t ainsi l’activité du cerveau», relatent Jacques Barik et Sebastian Fernandez, chercheurs responsabl­es de l’étude. Et la réponse ne tardait pas à leur être fournie. « L’exposition à un stress social chronique entraîne une profonde dérégulati­on des neurones d’une région précise du cerveau (le noyau latérodors­al du tegmentum), notamment ceux produisant l’acétylchol­ine. » Et pour vérifier l’implicatio­n de ces neurones dans les troubles associés à la dépression, les chercheurs azuréens ont utilisé des outils leur permettant de bloquer de façon sélective leur activité. Avec des résultats spectacula­ires : « Cela suffit à empêcher la cascade de réactions produites par l’exposition au stress chronique et aboutissan­t à l’apparition des troubles comporteme­ntaux. » Les observatio­ns de l’équipe sophipolit­aine ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeuti­ques pour combattre la dépression. « Soit en utilisant des médicament­s contre les cibles moléculair­es identifiée­s, soit via des approches qui permettent de moduler l’activité des circuits neuronaux mis en évidence. À l’instar de ce qui se fait avec la stimulatio­n cérébrale profonde (SCP) pratiquée sur des malades de Parkinson.» Il s’agirait, pour simplifier, d’envoyer des signaux électrique­s qui moduleraie­nt directemen­t l’activité des neurones responsabl­es des troubles comporteme­ntaux chez les personnes dépressive­s. Mais, avant d’expériment­er cette approche, les scientifiq­ues devront vérifier que leurs résultats sont bien transposab­les à l’homme.

1. Ces recherches viennent d’être publiées dans la revue Nature Communicat­ions.

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(DR) Jacques Barik et Sebastian Fernandez sont les deux scientifiq­ues à l’origine de ces découverte­s.

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