Les Gilets jaunes de Régusse vers un collectif citoyen
Certains participants au mouvement, éprouvant un sentiment d’impuissance et inquiets devant la violence, ont décidé de s’organiser pour faire remonter des propositions concrètes
Comment passer du sentiment d’injustice et des manifestations ou des blocages de ronds-points à des propositions concrètes ? C’est ce que tentent de faire certains Gilets jaunes du Haut-Var. À Régusse, où ils ont trouvé une oreille attentive chez les élus locaux, le mouvement spontané est en train de faire germer un collectif citoyen, qui veut faire des propositions pour « rendre le pouvoir au peuple » comme ils disent. Très inquiets de la violence des casseurs et de certains Gilets jaunes «qui malheureusement dérapent parce que le président ne s’est pas exprimé, on a des promesses pour tenir jusqu’aux élections européennes », ils souhaitent « construire au lieu de détruire ».
Rencontre sur le marché
Hier sur le marché de Régusse, ils sont allés à la rencontre des passants pour les inviter à s’exprimer. « Sur le fond, je vous suis, attention à la forme. Ne vous trompez pas de cible, ce n’est pas la personne, Macron qui est en cause, c’est sa politique », leur dit un retraité, qui promet d’aller écrire sur le cahier de doléances. Sur celui-ci, on trouve pêle-mêle des constats et des propositions : « Une politique qui appauvrit, nos diplômés sont dans la précarité. Il faut la reconnaissance de ceux qui travaillent. Ne pas opposer les gens entre eux » La plupart des participants ne se retrouvent plus dans la démocratie représentative et veulent peser directement sur les décisions qui les concernent, via des référendums d’initiative citoyenne à inscrire dans la constitution. Ils en envisagent quatre : législatif pour que les citoyens proposent eux-mêmes une loi, abrogatoire, pour annuler une loi, révocatoire pour destituer un membre du gouvernement ou un responsable politique, et constituant pour modifier la constitution. « C’est le vrai droit de vote », estiment ces déçus des «politiciens qui trahissent leurs promesses une fois élus». Plusieurs candidats à l’élection présidentielle
(1) de 2017 proposaient des dispositifs s’en approchant… En terrasse, ils discutent avec des villageois, qui leur conseillent plutôt de « passer par les élus » .Une dame préconise : « Faites venir M. Matras, le député ». Au contraire, son voisin estime : « Ils ne font pas leur boulot. Le président n’a pas eu le courage d’aller devant les maires de France. La ruralité, ils ne savent pas ce que c’est. Rapprochez-vous des sénateurs, eux connaissent. » Ils engagent ensuite la discussion avec le maire et conseiller départemental de Montmeyan, qui passe par là. Hier après-midi dans la salle du conseil municipal, les Gilets jaunes constructifs discutent, mettent leurs idées sur le papier. Anne Houy et son premier adjoint, Francis Barrière, sont présents. Ils écoutent, observent et parfois interviennent sur la méthode. Les participants ont créé leur page Facebook et une adresse email (2). Ils vont préparer des courriers à transmettre au député et au sénateur de la circonscription, au président de l’Association des maires de France et de l’Association des maires ruraux, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, au Premier ministre et au président de la République. Spontanéité, sincérité, envie de rendre du pouvoir aux citoyens… L’initiative présente les attributs d’une action apolitique visant l’intérêt général. Que deviendra-t-elle concrètement ? L’avenir le dira. (1) Jean-Luc Mélenchon, Nicolas-Dupont-Aignan et Marine Le Pen, François Asselineau. (2) facebook.com/collectif.citoyens.var.regusse. Email : collectifcitoyens.var@gmail.com