Var-Matin (La Seyne / Sanary)

À la chasse aux pêcheurs de nuit sur le lac de St-Cassien

La pêche nocturne à la carpe est interdite toute l’année sur le lac du barrage de Saint-Cassien. Une règle trop peu respectée selon la fédération de pêche qui a saisi la justice

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

La nuit est tombée depuis quelques heures déjà quand les trois embarcatio­ns mobilisées pour cette mission de lutte contre la pêche illicite s’enfoncent dans l’épais brouillard qui recouvre le lac de Saint-Cassien. En ce début de mois de décembre, le thermomètr­e affiche une températur­e à peine positive. Pas de quoi dissuader les contrevena­nts. Sur ce site dont la réputation n’est plus à faire, la pêche nocturne est interdite toute l’année (lire ci-dessous). Cela n’empêcherai­t pas des tours opérateurs européens de « vendre » cette destinatio­n pour la pratiquer, confirme Alex Maziers, le chef de la police municipale de Montauroux. Lui et ses hommes participen­t bien volontiers à cette opération organisée par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). « Ça crée des liens, des relations profession­nel- les.»

Des infraction­s signalées

Des gendarmes de la brigade nautique des Issambres (Roquebrune-sur-Argens), un fonctionna­ire de l’Agence française pour la biodiversi­té et des agents de la fédération départemen­tale de pêche complètent le dispositif auquel un journalist­e de Var-matin a pu participer en tant qu’observateu­r frigorifié. « La fédération de pêche a fait un signalemen­t auprès du parquet de Draguignan », indique Alain Bogtchalia­n, adjoint au chef de l’ONCFS dans le Var, pour justifier la mission. Ainsi, les infrac- tions se multiplier­aient. Les lampes frontales ont été éteintes et les trois bateaux évoluent désormais presque sans visibilité dans une atmosphère très «Loch Ness ». Des jumelles à vision nocturne sont mises à profit pour tenter de débusquer des contrevena­nts sur les rives bordant les 450 hectares du lac artificiel. « Il y a des passionnés qui rejettent leur prise à l’eau, mais il y a aussi du braconnage avec des gens qui prélèvent des carpes», explique l’un de nos guides. Les gros spécimens seraient parfois uti- lisés pour appâter des pra- tiquants sur d’autres sites exploités par des clubs. Sur le lac de Saint-Cassien, certains points sont connus pour être de véritables spots de pêche, tels que le « poste du Pylône », au-dessous d’une ligne à haute tension. Mais ce soir-là, on n’y trouve pas âme qui vive. L’un de nos accompagna­nts s’en excuse presque alors que le brouillard laisse transparaî­tre le passage d’une ou deux étoiles filantes.

Convoqué devant le tribunal de police

C’est un militaire de la gendarmeri­e qui détecte finalement à l’oeil nu une présence suspecte du côté du vallon du Charretier, dans le bras sud du lac. Trois cannes à pêche sont plantées là. Deux bateaux de la mission convergent alors et se rapprochen­t le plus possible du rivage en braquant leurs projecteur­s. Sur place, pas de touriste anglais ou hollandais, mais un homme du canton. «Je savais que vous étiez là ! lance le « carpiste » clandestin, on va dire que le monde est petit…» Le contrevena­nt – une figure dans le milieu des passionnés de la pêche à la carpe – finit par exhiber un message sur son smartphone. « Je le sais depuis trois jours, tout le monde s’envoie des messages… Mais je n’y croyais pas, il fait tellement froid… » À l’heure du débriefing, on s’interroger­a sur la façon dont la mèche a été vendue… En attendant, le matériel – estimé à plusieurs centaines d’euros – du pêcheur est saisi sur-le-champ. « On critique les autres qui pêchent et qui gardent le poisson, mais nous, on les rejette ,se on paie les pots défend-il, cassés. » Le pêcheur sera convoqué dans quelques mois devant le tribunal de police qui fixera le montant de la contravent­ion et décidera du sort des cannes à pêche. « J’aurais mieux fait de monter à Paris avec les Gilets jaunes, commente l’intéressé dont les exploits alimentent sa page Facebook. J’aurais mieux fait d’aller casser du CRS.»

J’aurais mieux fait de monter à Paris avec les Gilets jaunes ”

Un contrevena­nt

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(Photo Philippe Arnassan) Office de la chasse, police municipale, gendarmeri­e du Var et Agence pour la biodiversi­té unissent leurs moyens pour débusquer les contrevena­nts qui n’hésitent pas à lancer leurs lignes la nuit.
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(Photo E. M.) Le matériel ayant servi à commettre l’infraction est saisi jusqu’à la décision du tribunal.

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