À la chasse aux pêcheurs de nuit sur le lac de St-Cassien
La pêche nocturne à la carpe est interdite toute l’année sur le lac du barrage de Saint-Cassien. Une règle trop peu respectée selon la fédération de pêche qui a saisi la justice
La nuit est tombée depuis quelques heures déjà quand les trois embarcations mobilisées pour cette mission de lutte contre la pêche illicite s’enfoncent dans l’épais brouillard qui recouvre le lac de Saint-Cassien. En ce début de mois de décembre, le thermomètre affiche une température à peine positive. Pas de quoi dissuader les contrevenants. Sur ce site dont la réputation n’est plus à faire, la pêche nocturne est interdite toute l’année (lire ci-dessous). Cela n’empêcherait pas des tours opérateurs européens de « vendre » cette destination pour la pratiquer, confirme Alex Maziers, le chef de la police municipale de Montauroux. Lui et ses hommes participent bien volontiers à cette opération organisée par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). « Ça crée des liens, des relations professionnel- les.»
Des infractions signalées
Des gendarmes de la brigade nautique des Issambres (Roquebrune-sur-Argens), un fonctionnaire de l’Agence française pour la biodiversité et des agents de la fédération départementale de pêche complètent le dispositif auquel un journaliste de Var-matin a pu participer en tant qu’observateur frigorifié. « La fédération de pêche a fait un signalement auprès du parquet de Draguignan », indique Alain Bogtchalian, adjoint au chef de l’ONCFS dans le Var, pour justifier la mission. Ainsi, les infrac- tions se multiplieraient. Les lampes frontales ont été éteintes et les trois bateaux évoluent désormais presque sans visibilité dans une atmosphère très «Loch Ness ». Des jumelles à vision nocturne sont mises à profit pour tenter de débusquer des contrevenants sur les rives bordant les 450 hectares du lac artificiel. « Il y a des passionnés qui rejettent leur prise à l’eau, mais il y a aussi du braconnage avec des gens qui prélèvent des carpes», explique l’un de nos guides. Les gros spécimens seraient parfois uti- lisés pour appâter des pra- tiquants sur d’autres sites exploités par des clubs. Sur le lac de Saint-Cassien, certains points sont connus pour être de véritables spots de pêche, tels que le « poste du Pylône », au-dessous d’une ligne à haute tension. Mais ce soir-là, on n’y trouve pas âme qui vive. L’un de nos accompagnants s’en excuse presque alors que le brouillard laisse transparaître le passage d’une ou deux étoiles filantes.
Convoqué devant le tribunal de police
C’est un militaire de la gendarmerie qui détecte finalement à l’oeil nu une présence suspecte du côté du vallon du Charretier, dans le bras sud du lac. Trois cannes à pêche sont plantées là. Deux bateaux de la mission convergent alors et se rapprochent le plus possible du rivage en braquant leurs projecteurs. Sur place, pas de touriste anglais ou hollandais, mais un homme du canton. «Je savais que vous étiez là ! lance le « carpiste » clandestin, on va dire que le monde est petit…» Le contrevenant – une figure dans le milieu des passionnés de la pêche à la carpe – finit par exhiber un message sur son smartphone. « Je le sais depuis trois jours, tout le monde s’envoie des messages… Mais je n’y croyais pas, il fait tellement froid… » À l’heure du débriefing, on s’interrogera sur la façon dont la mèche a été vendue… En attendant, le matériel – estimé à plusieurs centaines d’euros – du pêcheur est saisi sur-le-champ. « On critique les autres qui pêchent et qui gardent le poisson, mais nous, on les rejette ,se on paie les pots défend-il, cassés. » Le pêcheur sera convoqué dans quelques mois devant le tribunal de police qui fixera le montant de la contravention et décidera du sort des cannes à pêche. « J’aurais mieux fait de monter à Paris avec les Gilets jaunes, commente l’intéressé dont les exploits alimentent sa page Facebook. J’aurais mieux fait d’aller casser du CRS.»
J’aurais mieux fait de monter à Paris avec les Gilets jaunes ”
Un contrevenant