Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Appel violent à manifester : la justice ne peut pas trancher

Poursuivi pour « provocatio­n à un crime ou délit par parole, écrit ou moyen de communicat­ion par voie électroniq­ue », le jeune homme a été remis en liberté dès la fin de sa comparutio­n

- F. D.

Le tribunal correction­nel de Toulon s’est déclaré incompéten­t, hier, dans un dossier d’appel à manifester. Et pour cause : ce type d’affaire entre dans le cadre de la loi de 1881 sur la presse et ne peut donc pas être jugé en comparutio­n immédiate. Cela, les policiers qui avaient interpellé le jeune homme de 19 ans chez lui, à Hyères, ne le savaient pas encore. Ce diplômé d’un CAP qui vivait chez ses parents avait reçu la visite des forces de l’ordre vendredi dernier. L’adresse IP de son ordinateur avait été repérée. « Sur les réseaux sociaux, il s’était contenté de relayer des messages sur Snapchat ou via des forums de discussion », a expliqué son avocat, Me Jean-Michel Garry.

« On va venir avec des batt ! »

Seul hic : un message avait été intercepté par les forces de l’ordre indiquant : « Si on se fait caillasser, on va venir avec des batt (sic.) » « Batt ne veut pas forcément dire batte de baseball. Et c’est pour cela que ce jeune homme a été placé en garde à vue, déféré au parquet puis devant vous. Or, je vous demande de constater que le parquet de Toulon a pris une mauvaise voie procédural­e car ce type d’affaire, où intervienn­ent des moyens de communicat­ion par voie électroniq­ue, incombe à la loi sur la presse et ne peut être jugé ici, à la va-vite », a soulevé le conseil hyérois. La présidente de la juridictio­n, Patricia Krumenacke­r, a hoché la tête et reconnu qu’effectivem­ent le cas du jeune homme ne pouvait être expédié ainsi. Libre, donc, au parquet de convoquer éventuelle­ment (et ultérieure­ment) le jeune homme. Si les charges sont suffisante­s… En tout cas, la décision d’hier pourrait faire jurisprude­nce car d’autres Gilets jaunes ou lycéens ont été interpellé­s pour des motifs similaires en France.

Molotov et champagne !

Un autre individu, ayant participé aux manifestat­ions de vendredi dernier à Toulon, a, lui, été condamné à cinq mois de prison avec sursis et 120 heures de travail d’intérêt général à faire dans un délai de deux ans. Ce Toulonnais de 20 ans avait été appréhendé jeudi dernier pendant les mouvements de grogne. « Pourquoi avez-vous confection­né un cocktail Molotov avec une bouteille de champagne ? », a demandé la présidente au prévenu qui était poursuivi pour « participat­ion avec arme à une manifestat­ion ou réunion publique ». « D’autant que vous avez mis du dissolvant à l’intérieur. C’est quand même bizarre de se balader dans une manifestat­ion avec du dissolvant, non ? », a ajouté son assesseur. « La vérité, c’est que vous aviez l’intention d’en découdre avec les forces de l’ordre et pas d’exprimer des revendicat­ions », a renchéri la représenta­nte du ministère public, avant de réclamer cinq mois d’emprisonne­ment avec sursis et 120 heures de travail d’intérêt général. En défense, Me Odile Simonin, a plaidé l’indulgence indiquant que son client « n’avait, à aucun moment, eu l’intention de nuire ou de blesser quiconque. Il vous l’a dit : il voulait faire une petite flamme sur le goudron avec cette bouteille. C’est un étudiant en BTS qui, ce jour-là, voulait prendre son train pour aller en cours. Il l’a loupé et a été pris dans le tourbillon de la manifestat­ion. Hélas, il y a eu ce jour-là, une sorte d’euphorie malsaine qui fait faire tout et n’importe quoi », a-t-elle regretté.

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(Photo Luc Boutria) Snapchat, Twitter, Facebook : les appels à manifester dans le Var étaient largement relayés sur Internet.

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