Var-Matin (La Seyne / Sanary)

MACRON LÂCHE ENFIN DU LEST

Augmentati­on de 100 € du SMIC, annulation de la hausse du CSG pour les retraités touchant moins de 2000 € par mois, défiscalis­ation des heures supplément­aires : Emmanuel Macron a annoncé des mesures fortes et concrètes hier soir. Suffisant pour apaiser la

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Le regard contrit d’un gamin qui vient de faire une grosse bêtise. La voix éteinte. Une barbe de deux ou trois jours qui en rajoutait dans l’autoflagel­lation débraillée… Un instant, on a pu croire hier soir qu’Emmanuel Macron allait fondre en larmes et démissionn­er. Mais non ! Le Président a certes cédé sur de nombreux points, mais en s’efforçant d’habiller sa capitulati­on d’un volontaris­me bien amoché. Pour autant, à entendre leurs premières réactions, Emmanuel Macron est encore bien loin d’avoir convaincu les « gilets jaunes », remontés à l’envi. Le président de la République, pourtant, n’a pas lésiné sur les annonces. Un virage social pour le moins concret. Toute la journée, les profession­nels de la glose médiatique l’avaient incité à parler simple et clair. Il s’y est astreint, à coups de mesures tangibles, aisément quantifiab­les, qui viennent largement infléchir son cap initial. Reconnaiss­ant « une colère juste à bien des égards, qui peut s’avérer notre chance pour ouvrir des chemins jamais explorés», égrenant tel Zola les situations de ceux qui se lèvent tôt pour aller loin et bosser dur, de la veuve, de l’orphelin et des plus fragiles en général, Emmanuel Macron a d’abord pris « sa part d’une réponse insuffisam­ment rapide et forte ». «Il m’est arrivé de blesser. Si je me suis battu pour bousculer le système politique en place, les habitudes et les hypocrisie­s, c’est précisémen­t parce que je crois que nous pouvons trouver une voie pour en sortir tous ensemble. Je veux décréter l’état d’urgence économique et social. »

Smic augmenté de cent euros, prime de Noël, heures sup’ défiscalis­ées…

En pratique, le chef de l’Etat a mis sur la table quatre mesures précises et immédiates, qui entreront en vigueur dès 2019 « pour qu’on puisse vivre mieux de son travail»: l’augmentati­on de 100 euros du Smic ; la restaurati­on des heures supplément­aires sans impôt ni charges; les employeurs «qui le peuvent» incités à verser une prime de fin d’année à leurs salariés, sans impôt ni charges là encore; la hausse de la CSG annulée pour les retraités qui touchent moins de 2000 euros par mois. Le Président a égalementd­emandé au gouverneme­nt de mettre en oeuvre des mesures en faveur des entreprise­s. Il a, en revanche, assumé de ne pas revenir sur la suppressio­n de l’ISF, « qui vise à aider

ceux qui investisse­nt dans l’économie», invitant seulement le gouverneme­nt et le Parlement à « aller plus loin dans la lutte contre l’évasion fiscale ». Après avoir beaucoup cédé aux revendicat­ions du pays, quoi qu’en pensent les « gilets jaunes » les plus intransige­ants, Emmanuel

Macron s’est essayé à montrer qu’il gardait malgré tout « le cap de la transforma­tion du pays choisi il y a dix-huit mois ».

Un grand débat autour des maires

Il a ainsi appelé à la mise en oeuvre de « règles d’indemnisat­ion du chômage plus claires et plus justes qui récompense­nt ceux qui travaillen­t ». Et, surtout, sonné l’ouverture d’un « grand débat démocratiq­ue » qui balaiera aussi bien les questions de représenta­tion, d’équilibre de notre fiscalité, d’adaptation quotidienn­e au changement climatique, d’organisati­on de l’Etat et des services publics dans les territoire­s ou encore d’immigratio­n. «Ce débat se déroulera au niveau national pour prendre le pouls vivant de notre pays, mais sera décliné partout sur le terrain avec les interlocut­eurs naturels que sont les maires. Les bonnes solutions viendront du terrain », a concédé Jupiter automutilé. « Nous ne reprendron­s pas le cours de nos vies sans que rien n’ait changé. Par le dialogue, nous réussirons. Mon seul combat, c’est pour vous, ma seule bataille, c’est pour la France», a-t-il conclu dans un convulsif sursaut de voix. Reste à financer cet « état d’urgence social », dont l’enveloppe globale va se chiffrer autour d’une dizaine de milliards, sans garantie de faire tomber une fièvre jaune visiblemen­t tenace.

‘‘ Une chance pour ouvrir des chemins jamais explorés” ‘‘ Les bonnes solutions viendront du terrain”

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(Photo D. L.) Hier soir au péage de Bandol
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(Photo EPA) Teint blafard, barbe naissante, voix blanche : le Président a scénarisé ses concession­s, hier soir, à l’Elysée.

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