Les avocats en grève de toutes les audiences
« Ce qui semble fonctionner, ce n’est que la manière forte. » La tension va grandissante entre le gouvernement et les avocats. Alors que le texte de la réforme de la justice est en train d’être voté à l’Assemblée nationale, les avocats du barreau de Toulon ont approuvé hier, «à une large majorité », le principe d’une grève illimitée des audiences. À compter de ce matin. De même, toutes les désignations d’avocats commis d’office sont suspendues, depuis hier soir 18 heures. Ce mardi, des demandes de renvoi seront formulées pour toutes les affaires prévues aux audiences dans les juridictions toulonnaises – tribunal de grande instance, d’instance, de commerce, des tutelles, des enfants, juge aux affaires familiales, tribunal correctionnel, conseil des prud’hommes. Le point avec Me Jéméry Vidal, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Toulon.
Que reprochez-vous à la réforme en cours?
Sur la forme, comme sur le fond, elle est scandaleuse. Le texte retire des palais de justice des pans entiers du contentieux. Nous ne voulons pas d’une justice réformée sur l’autel d’économies budgétaires. On fusionne les tribunaux d’instance et de grande instance. On supprime une étape de conciliation dans les divorces sans consentement mutuel. On laisse des directeurs de Caf fixer par barème la revalorisation des pensions alimentaires. C’est inacceptable.
En quoi une justice de proximité est-elle menacée ?
La ministre nous a promis qu’elle ne fermerait aucun site [c’est-àdire aucun tribunal]. Mais attention, il faut savoir ce qu’on met dedans. Il est devenu possible de transférer des contentieux vers une juridiction unique. Nous avions demandé que ces transferts ne concernent que les contentieux de grande technicité et qui seraient aussi en petit nombre. Or, avec la réforme, on pourrait choisir de concentrer tout le contentieux de la construction, de l’immobilier, à une seule juridiction. Ce point est une vraie pierre d’achoppement.
Cela fait pourtant longtemps que les avocats se mobilisent.
Sur la forme, on a l’impression d’être le mari cocu qui trouve l’amant de sa femme dans le placard, comme dans une pièce de Feydeau. Il y a eu une mobilisation sans précédent des avocats depuis plus de mois. La ministre a annoncé un temps mort, le temps d’une concertation. Nous avons été rassurés sur les transferts de contentieux, sur la fusion des tribunaux. Et finalement, les amendements passent et renient complètement la parole donnée. On est les cocus de l’histoire.
Quel est votre état d’esprit ?
Les avocats sont extrêmement remontés, barreau après barreau, les appels à la grève tombent. On a l’impression de jouer notre dernière carte après des mois de mobilisation. Mercredi sera une journée justice morte au niveau national. À heures, nous irons, en robe d’avocat, devant la préfecture du Var, avec nos collègues de Draguignan.