Aubry, l’insoumise en pôle position
La Raphaëloise de 29 ans vient d’être élue à la convention de la France insoumise tête de liste pour les élections européennes de mai prochain. Un sacré défi pour une novice en politique
Àla radio, sur les plateaux de télévision, les chiffres de l’évasion fiscale qu’elle présente, la liste des paradis fiscaux qu’elle détaille sont commentés avec assurance. Co-auteur du rapport CAC 40: des profits sans partage, et de bien d’autres, Manon Aubry a été élue dimanche tête de liste de la France insoumise aux élections européennes de mai 2019. La Varoise, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à l’ONG Oxfam, est un atout pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon qui cherche des profils issus de la société civile. Elle le rencontre en août dernier à Marseille mais cette fonceuse a pris le temps de la réflexion avant d’accepter la proposition, qui la propulse en pleine lumière.
Restez-vous à Oxfam ?
Non. Même si la politique n’est pas un métier, le mélange des genres ce n’est pas ma façon d’agir. Il faut que je puisse travailler – une campagne ça demande du temps, de la disponibilité – et qu’Oxfam garde son indépendance.
A-t-il été facile de franchir le Rubicon entre engagement citoyen et vie politique ?
Après avoir été approchée à la fois par le comité électoral puis la direction des Insoumis cet été, j’ai eu une longue hésitation. C’est une décision majeure pour ma vie personnelle.
Vous êtes jeune, novice en politique, n’est-ce pas risqué ?
Je mesure la difficulté. Je me suis posé la question : est-ce que je ne devrais pas être plus utile au monde associatif qu’au monde politique ? En même temps, c’est un prolongement naturel de mon engagement. Donner un débouché politique à mon engagement, concrétiser mes combats… Il y a une cohérence. Ce que je dénonçais hier, je le dénonce aujourd’hui. Ce qui compte, ma priorité, c’est la sincérité, sinon, les gens ne croient plus à la politique. Je suis moi, avec tout mon engagement. La sincérité, ce doit être le maître mot quand on fait de la politique.
Avez-vous été encartée dans un parti politique ?
Une année au PS, il y a plus de dix ans, mais je ne me retrouve pas dans ce parti.
C’est un choix audacieux de la part de la France Insoumise…
Un choix assumé, celui d’aller chercher les compétences là où elles sont. J’ai une expertise dans la lutte contre l’évasion fiscale, les inégalités, que je vais porter dans l’arène politique. Aucun mouvement politique ne confie de telles responsabilités à quelqu’un qui n’a jamais fait de politique. La France Insoumise ne fonctionne pas comme les autres partis. J’étais à la convention à Bordeaux où été réunies personnes, dont les deux-tiers, tirés au sort, sont des militants lambda, pas des cadres, qui participent à la vie démocratique. Ce n’est pas une succession de discours, mais des tables rondes de cinq à huit personnes qui travaillent sur des sujets précis. Quel parti fait cela, donner la voix à des militants de base pour faire remonter des idées, des propositions ? Il y a une vraie vitalité. Ça renouvelle la vie politique. La France insoumise innove, peut-être pas de manière parfaite, mais elle le fait.
Vous allez prendre des coups. Êtes-vous prête ?
Oui, je sais que je vais en prendre, que c’est difficile, violent, surtout pour une jeune femme inexpérimentée comme moi. Mais notre force, ce sont nos projets, nos convictions, notre programme. Toutes les fois où je serai attaquée, je reviendrai à ça. La sincérité, c’est aussi refuser certains débats de personnes pour